D'où vient la chanson raciste «Je partira pas» partagée par des ...

Depuis que l’extrême droite allemande a réussi à imposer Ausländer raus, reprise xénophobe de l’Amour toujours de Gigi D’Agostino («les étrangers dehors, l’Allemagne aux Allemands»), la fachosphère française se cherchait visiblement un hymne. Après plusieurs essais, une chanson s’est distinguée. Intitulée Je partira pas, en référence à des vidéos de reportages télévisés montrant des exilés crier cette phrase avant d’être expulsés de France, le morceau a fait le tour du Web, propulsé par TikTok et par des partages de comptes liés à l’extrême droite.

Désormais ses paroles xénophobes ont atteint le devant de la scène politique puisque Eric Zemmour, ancien journaliste du Figaro et ex-candidat à l’élection présidentielle pour son parti d’extrême droite Reconquête, a partagé un clip où il apparaît tapotant le rythme sur sa table au restaurant, l’air hilare en écoutant les paroles de la chanson : «Je partira pas /Si, si tu partiras /Et plus tôt que tu crois /On t’a déjà assez donné /Maintenant tu peux te casser /Bon débarras et ne reviens pas.» Dans la version longue, les paroles poursuivent : «Quand va passer Bardella, tu vas retourner chez toi /Tu mettras ta djellaba, tu pourras prier toute la journée /Là tu commences à nous gonfler / […] Tu partiras avec ta Fatma /Pour toi, fini le RSA /Le bateau n’attend pas /Crois moi, tu partiras.»

Une plainte pour «incitation à la haine»

Autre figure médiatique qui a rejoint les rangs de l’extrême droite, Mila, qui avait fait l’objet de menaces de morts en 2020 lorsqu’elle était adolescente après avoir insulté l’islam en réaction à des commentaires lesbophobes, a annoncé qu’elle va sortir sa propre version de la chanson, où sa voix remplacera celle de l’IA qu’on entend sur le morceau original.

Après la diffusion de la chanson, l’association SOS Racisme a annoncé avoir déposé une plainte pour «incitation à la haine». Elle espère le retrait immédiat de ces «propos inacceptables» de toutes les plateformes numériques et attend des «sanctions exemplaires».

La version originale de ce «tube de l’été» raciste a été initialement postée le 21 juin sur la plateforme TikTok par le compte @claudiamariani2a. Moins d’une semaine après sa mise en ligne, elle a été supprimée de la plateforme, mais la version originale ainsi que plusieurs remix sont toujours disponibles sur YouTube, TikTok ou Instagram.

Sous couvert d’humour, ce compte actif depuis août 2023 publie des vidéos où se mêlent des images et des chansons réalisées par intelligence artificielle. Les contenus de @claudiamariani2a, qui ne montre jamais son visage et qui met souvent en avant ses origines corses, sont majoritairement des caricatures insultantes des opposants au Rassemblement national.

D’autres morceaux appelant à voter Jordan Bardella

Dans la majorité présidentielle, Emmanuel Macron et Gabriel Attal sont souvent présentés de manière efféminée, tandis que Brigitte Macron apparaît avec un corps de bodybuilder. Les personnalités politiques de gauche, notamment de La France insoumise sont présentés comme des islamistes, vêtus d’un voile quasi intégral ou portant des barbes fournies. Les femmes politiques Mathilde Panot, Raquel Garrido et Sandrine Rousseau sont la cible d’attaques sexistes et qualifiées de «dindes». Mais la cible principale du compte sont les étrangers et les musulmans, souvent résumés à des femmes en burqa et des hommes barbus, qui ont peur des cochons.

Alors qu’à ses débuts, le compte se contentait de reprendre des vidéos dénichées sur le Web, la démocratisation des outils de génération d’images puis de musique par intelligence artificielle a permis à @claudiamariani2a de produire de nombreux titres sous le nom d’artiste «Grazy Girl». Avant le succès de Je partira pas, elle avait publié d’autres morceaux appelant à voter Jordan Bardella ou célébrant sa victoire aux élections européennes.

Au mois de décembre, l’utilisatrice avait mis en ligne un premier «remix de Je partira pas par Grazy Girl». Moins bien travaillé que sa version finale, il se contentait de superposer les pistes audios de personnes expulsées qu’on entend dans des reportages avec la musique de Born to Be Alive.