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Isabelle Huppert au JDD : « Il faut garder la curiosité et le goût de l ...

Isabelle Huppert au JDD   Il faut garder la curiosité et le goût de l
VOYAGE. La comédienne Isabelle Huppert incarne une femme en deuil qui sillonne le Japon.

Alors qu’elle vient d’achever les représentations de Bérénice, mis en scène par Romeo Castellucci au Théâtre de la ville de Paris, Isabelle Huppert tient le rôle principal dans Sidonie au Japon d’Élise Girard, l’histoire d’une écrivaine française en voyage au pays du Soleil Levant pour la réédition de son best-seller. Son éditeur lui a concocté un emploi du temps chargé : rencontres avec la presse locale, séances de dédicaces, visites de temples et de jardins. Sous l’œil bienveillant du fantôme de son mari, dont elle n’a toujours pas admis la mort…

Dans le sillage de Lost in Translation (2003) de Sofia Coppola, cette chronique, d’une délicatesse, d’une épure et d’une pudeur infinies, et dont la mélancolie est tempérée par un humour cathartique, figure l’errance existentielle d’une femme, son travail de reconstruction après le deuil, sa résilience, son courage. L’occasion pour l’actrice de livrer une prestation poignante.

Le JDD. Êtes-vous particulièrement attirée par l’Asie ?

Isabelle Huppert. Il y a eu une période où j’y ai pas mal tourné : au Cambodge avec Rithy Panh pour Un barrage contre le Pacifique, aux Philippines avec Brillante Mendoza pour Captive et en Corée du Sud avec Hong Sang-soo pour In Another Country et La Caméra de Claire. Mais l’Asie, c’est vaste : rien de commun entre tous ces pays. La preuve que les bonnes nouvelles n’arrivent pas que de l’autre côté, de l’Ouest, des États-Unis pour être précise. Mais ça, je le savais déjà. De toute façon, j’aime tourner partout et loin. Récemment, un journaliste chilien à qui je parlais, à l’occasion de la sortie de Mon Crime de François Ozon, là-bas, me faisait la remarque que je n’avais jamais travaillé en Amérique du Sud ! (Rires.) 

Sidonie est un film français tourné au Japon et le projet a tenu ses promesses, avec tout ce que cela apportait de romanesque et de circonstances complètement insolites. Le récit est douloureux puisqu’il traite du deuil, mais la confrontation avec ce monde très différent suscite des situations drôles, gracieuses et légères. Élise Girard aurait pu se concentrer sur un lieu unique, elle organise une visite complète du pays pour établir un parallèle pertinent entre le vagabondage géographique et celui de l’esprit.

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Le Japon est propice à accorder de la densité à ces états mentaux traversés par l’héroïne : elle découvre des paysages lors d’une promenade pas du tout touristique, alors qu’elle poursuit un autre voyage, celui-ci intérieur. Elle est incapable de se détacher de son défunt mari, or elle doit le laisser partir. Le chagrin cède doucement sa place à la joie devant la beauté de la nature : elle se libère et revient à la vie. C’est l’histoire d’une renaissance.

Connaissiez-vous Élise Girard ?

Je l’ai découverte grâce à ses deux précédents longs métrages, d’abord Drôles d’oiseaux, avec ma fille Lolita Chammah, puis Belleville-Tokyo (2010), avec Valérie Donzelli. Élise est très malicieuse et intelligente, une fine observatrice. Dans son écriture, il y a la place pour une distance ironique qui n’enlève pas l’émotion. Jamais de cynisme ou de mépris, juste cette faculté de faire un pas de côté pour apprécier des événements à la fois touchants et cocasses.

​Avez-vous expérimenté le choc des cultures ?

Je crois que c’est le cas partout dans le monde, car chaque pays possède ses propres codes. On se confronte à des habitudes, des manières d’être qui ne sont pas les nôtres. Il est vrai qu’au Japon, on le ressent de manière particulièrement aiguë : parce que la langue est très éloignée, on a peu de mots auxquels on peut se raccrocher. Je suis souvent allée là-bas : la toute première fois pour tourner La Truite (1982) de Joseph Losey. Et notamment dans un endroit célèbre à Tokyo, que tous les Français de passage en ville fréquentent : un bar à Shinjuku baptisé La Jetée en hommage au chef-d’œuvre du même nom de Chris Marker.

« Sidonie est hantée par le souvenir de son mari sous la forme d’un fantôme, extrêmement vivant et pas du tout morbide »

Au fil des années, j’y suis retournée souvent pour y présenter des films. C’est toujours un plaisir. Plus récemment, j’y ai joué La Ménagerie de verre au Théâtre national de Tokyo. Une très belle expérience avec un public enthousiaste. Pour Sidonie au Japon, nous sommes restés trois semaines entre Osaka, Kyoto, Kobe, Nara et ses biches en liberté, Naoshima, une île-musée avec de l’art contemporain disséminé un peu partout.

​Croyez-vous aux fantômes ?

Moi, absolument pas, mais Élise Girard oui. En l’occurrence, il s’agit plutôt de la matérialisation de la persistance de la mémoire. Sidonie est hantée par le souvenir de son mari sous la forme d’un fantôme, extrêmement vivant et pas du tout morbide, donc d’autant plus coriace et difficile à chasser. C’est drôle et tragique car, plus elle s’en amuse, plus on souffre pour elle, puisqu’on sait bien qu’il est mort. Comme Blanche-Neige qui croque dans la pomme empoisonnée, elle est bonne mais létale.

​Comment choisissez-vous vos rôles ?

À chaque fois, c’est un faisceau de raisons différentes, cela se fait de manière intuitive. J’ai accepté beaucoup de premiers films, et pas des moindres : je pense à Nue propriété (2006) de Joachim Lafosse, Home (2008) d’Ursula Meier ou Les Sœurs fâchées (2004) d’Alexandra Leclère. Je ne m’étais pas trop trompée sur leur talent ! J’ai tourné avec des réalisatrices depuis Márta Mészáros dans Les Héritières (1980), Diane Kurys, Christine Pascal, ma sœur Caroline Huppert, Claire Denis, Anne Fontaine, Eva Ionesco, Mia Hansen-Løve… Je viens de terminer Portraits trompeurs de Patricia Mazuy, avec Hafsia Herzi.

​A Traveler’s Needs d’Hong Sang-soo a gagné le grand prix du jury à la Berlinale. Comment se sont déroulées vos retrouvailles ?

Nous nous sommes croisés un peu par hasard, enfin pas complètement, à l’occasion de la rétrospective qui lui était consacrée à la Cinémathèque. Nous avons décidé de refaire un film ensemble, notre troisième. Quelques semaines plus tard, nous tournions. Hong Sang-soo bouleverse toutes les règles du cinéma : un temps court, l’absence de scénario, une équipe réduite à sa plus simple expression puisque nous étions trois. C’est chaque fois une expérience hors du commun. Comme dit Michael Haneke, « on se laisse surprendre ». Ce qui trouve sa pleine signification avec Hong Sang-soo !

Il faut garder la curiosité et le goût de l’inattendu. Au fur et à mesure de nos échanges, je glane des indices, notamment pour élaborer le costume. En arrivant sur place, je ne suis pas plus avancée. Chaque jour, il me donne mon texte le matin même. Nous avons tourné en treize jours contre neuf pour In Another Country et six pour La Caméra de Claire.

​Il paraît que vous allez tourner avec Dario Argento, le maître du giallo…

Je vous le confirme, même si c’est encore prématuré d’en parler. C’est un grand cinéaste, mais je ne suis pas sûre que je pourrais regarder ses films seule chez moi à 3 heures du matin. (Rires.) Sinon, en mai, je vais rejouer le spectacle de Bob Wilson, Mary Said What She Said, au Barbican, à Londres, et après trois semaines à Paris, nous reprenons Bérénice à Milan.

Comment avez-vous vécu la représentation houleuse de la semaine dernière ?

Les spectacles de Romeo Castellucci ont toujours suscité les plus vives réactions, ce n’est donc pas une surprise. Toutefois, on franchit un pas avec l’adresse directe à une actrice pendant la représentation. À en juger par le nombre de commentaires tant dans la presse qu’à la radio, il faut croire que ça interroge.

​Il a affirmé que vous étiez « l’actrice définitive »…

Je lui laisse l’entière responsabilité de cette déclaration. À tout prendre, je préfère être définitive que provisoire !

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