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Pourquoi on a aimé le nouvel album de Francis Cabrel

Pourquoi on a aimé le nouvel album de Francis Cabrel
Cela faisait cinq ans que Francis Cabrel préparait son nouvel album, le 14ème d’une œuvre qui comprend de nombreux sommets. Treize titres aux mélodies soignées et aux thèmes riches.

Monde d’avant, monde d’après, peu importe, tant que Francis Cabrel reste Francis Cabrel avec son allure de folkeux insubmersible, sa voix chaude comme du bon pain à l’accent nimbé de soleil, cette façon de rabattre l’abat-jour pour tamiser la lumière.

Il a souvent été parodié par les Guignols de l’Info et l’imitateur Laurent Gerra (mais son idole Bob Dylan l’a été lui aussi, et très méchamment par Frank Zappa qui dans « Flakes » singeait un harmonica ridicule). Il en va ainsi de la vie des musiciens folk et des clichés qui leur collent à la peau, artistes provinciaux fleurant bon le foin et la déprime.

Cabrel s’en fiche bien. En quarante-trois ans, il a traversé avec une superbe distance les époques et les modes, semant des albums Sarbacane (1989), Samedi soir sur la terre (1994) - parmi les meilleurs de la chanson française (Le chiffre annoncé, vingt-cinq millions de disques écoulés, le place à la hauteur des Mylène Farmer, Jean-Jacques Goldman, David Guetta). Ses admirateurs auraient pu lui dire qu’ils en avaient assez de ses romances comme des vacanciers désireux de changer de lieu de villégiature, mais ils ne l’ont jamais lâché, et Francis Cabrel a continué à glisser sur son fleuve serein, amoureux de la même femme, attaché à son territoire bucolique aussi réel qu’imaginaire, Astaffort. Il n’a pas changé, à l’image d’un autre écrivain de chanson peut-être plus proche de lui que le remuant Dylan, le délicat Randy Newman. Sans doute pensait-il à son ainé américain (de dix ans) quand il déclara au magazine Chorus : « Je trouve que je verse trop dans la poésie, pas assez dans la chronique. J’aimerais arriver à décrire une situation comme un chroniqueur le fait. »

Récit social

Fini l’anthropomorphisme lyrique du taureau qui colorait « La Corrida », en 1994. Cabrel tend à privilégier le récit social, quitte à s’enfoncer dans les zones périlleuses de l’intime. Cela pourrait expliquer le temps qu’il a mis à concevoir ce quatorzième album, A l’Aube revenant, cinq ans après le précédent In Extremis, mais c’est un délai qu’il s’autorise volontiers, annonçant chaque fois la fin de son œuvre discographique, vœu pieux jamais accompli. Et pourquoi tirerait-il le rideau, quand il peut encore nous présenter treize nouveaux titres pleins de charme et d’élégance, proposer à ses musiciens des maquettes recomposées, raturées comme le fait un ébéniste consciencieux.

On parle beaucoup de la chanson « Te ressembler » où il évoque son père ouvrier qui travaillait dur pour nourrir sa famille, drôle de texte en vérité, plutôt cruel. Francis Cabrel semble mettre en contraste ses réussites, sa chance, et les souffrances, de son cher disparu tenant le guidon froid de son vélo à l’aube. « J’aurais voulu te ressembler, je le jure. » On ne le croit pas une seconde. « Un jour, j’ai croisé une guitare, j’ai vécu comme on s’amuse. »

Soul et bluesy

Contrairement à ce qu’il énonce, Cabrel ne badine pas. Il s’épuise sur un accord, une gradation sonore, un mot, une averse, un « frôlement de velours ». Il n’a pas gagné le jour où il a croisé une guitare (l’auteur de ses lignes en a croisé une et, je vous le jure, cela n’a rien donné), mais bien parce qu’il sait cuisiner de belles mélodies à l’étouffée dans de subtils arrangements : rythmes de guitare, touches mexicaines de pinceau cuivré, violons chuintants, percussions félines…

Le disque, traversé de tonalités soul et bluesy, s’ouvre sur une emballante chanson, « Les beaux moment sont trop courts », peut-être l’une des plus belles qu’il ait écrites avec ses cordes de château et ses chœurs féminins, ses fines nuances. Vous découvrirez au détour du sentier une adaptation du classique de James Taylor, « J’écoutais Sweet Baby Jane », joué au piano et à la guitare, puis, en hommage à Jacques Dutronc (« Chanson pour Jacques »), un boogie doux comme la braise, dont la sèche cadence et les grincements électriques semblent empruntés à John Lee Hooker. Vous passerez en revue une splendide galerie de nobles personnages comme le trouvère Jaufré Rudel, héraut de l’amour courtois mort en 1170 dans les bras d’une princesse. « Ma vie allait passer, paisible et sans histoire », chante-t-il dans « Les Bougies fondues » qui faillit être le titre de l’album. Des histoires, il en aura pourtant raconté beaucoup, toujours joliment.

Francis Cabrel, A l’Aube revenant Sony/Columbia.

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