Eddy Mitchell: avec la musique, «je suis toujours en vie»
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Il n’a pas les yeux couleur menthe à l’eau mais Eddy Mitchell conserve son regard perçant, focalisé sur ses deux actualités, une autobiographie sans concession et un 40e album de musique « authentique » avec ses « Amigos ».
Son livre intitulé sobrement « Autobiographie » renferme moult souvenirs de cette figure de la chanson française et convoque des proches, des Vieilles Canailles Jacques Dutronc et Johnny Hallyday à sa femme Muriel Bailleul, toujours à ses côtés.
Raconter sa vie depuis le Belleville des années 1950 jusqu’aux plateaux de cinéma et de télé, les hauts comme les bas: l’exercice s’est imposé à 82 ans, l’âge de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur.
Ses six décennies de carrière y passent, l’époque des Chaussettes noires, les tubes à gogo, les concerts mais aussi les ornières, fichues addictions comme celle du jeu. « Je vais pas m’en cacher parce qu’il y a des témoins », sourit Eddy Mitchell.
C’est sa femme, justement, qui l’a détourné des casinos: « C’est elle qui m’a dit +ça suffit maintenant+. Parce que ça prenait quand même de 16H00 à 06H00 du matin. »
L’artiste confie aussi avoir pris une résolution: « J’arrête de fumer ». Il y a un mois environ, une pneumonie lui a mis un coup de bambou, le contraignant à repousser la sortie de son disque. Depuis, il remonte la pente et assure aller « mieux ».
Ballade
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Eddy Mitchell pose le 27 novembre 2024 à Paris / JOEL SAGET / AFP
Même s’il a arrêté la scène, « Schmoll » continue de rouler sa bosse, tant qu’à faire « En décapotable Pontiac », comme il le chante dans la ballade country rock qui ouvre « Amigos », disponible vendredi.
Ses compagnons de route sont des plumes et compositeurs de choix: Alain Souchon, Alain Chamfort, William Sheller, Sanseverino, Pascal Obispo.
« Ce sont des gens que j’admire, que j’aime. Donc ça se fait naturellement », glisse-t-il. « C’est toujours sympa d’être en studio avec des musiciens. »
Bien sûr, Johnny manque. « Jusqu’au dernier moment, j’ai pensé qu’il s’en sortirait. Il ne pouvait pas crever. C’était impossible », relate Mitchell dans son livre, bouleversé par la perte de son « frère » de cœur, des suites d’un cancer du poumon, en 2017.
Autre « disparition cruelle » cinq ans plus tard: celle de Pierre Papadiamandis, son compositeur fétiche derrière des classiques dont « La dernière séance ».
Pourtant, la musique reste essentielle. « Ça représente que je suis toujours en vie », résume l’artiste.
« C’est surprenant de se prendre un gadin mais, se prendre un bon succès, c’est toujours agréable et surprenant » aussi, lance-t-il en évoquant des chansons qui ont rencontré leur public, comme « Sur la route de Memphis », pour laquelle il n’avait pas imaginé un tel engouement.
« Boi-boîtes » et streaming
Désormais, Eddy Mitchell écoute « surtout du jazz, des grands orchestres ». La nouvelle génération n’a guère son oreille et l’utilisation accrue de machines électroniques et logiciels dans la composition ne l’intéresse « absolument pas ».
« J’aime le vrai beurre », compare-t-il, en référence à une « vraie musique », selon lui créée au plus près du réel.
« J’ai toujours été anti boi-boîte », complète-t-il.
Anti quoi ?
« J’appelle ça les boi-boîtes. C’est les fausses batteries. Les machines qui font de la basse, qui font de la guitare. C’est une horreur. Il y en a beaucoup qui s’en servent. Certains se disent musiciens alors qu’ils ne savent pas écrire trois notes », dézingue « Monsieur Eddy ».
Autre cible, les plateformes d’écoute de musique en ligne. Il leur reproche un prisme quantitatif et une « dégradation totale » de la qualité sonore, les titres étant le plus souvent compressés.
Le franc-tireur dégaine encore: « Le streaming, c’est de la merde. Vous écoutez ça là-dessus (un téléphone, NDLR), c’est pas possible. »
Il vaut mieux « écouter au minimum en CD et au maximum en vinyle », recommande-t-il, à rebrousse-poil de la tendance générale. Mais qu’importe.
« Je m’en fous mais, alors, complètement. Je veux bien être un vieux con si c’est pour parler de ça. Il y a des choses plus graves », assène le rockeur qui n’a perdu ni sa voix grave, ni sa liberté de ton.