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Doliprane, Lysopaïne et Maalox bientôt sous pavillon américain

Doliprane Lysopaïne et Maalox bientôt sous pavillon américain
Sanofi a choisi d’ouvrir des négociations exclusives avec le fonds américain CD&R pour la cession «50% ou plus» de sa filiale Opella.

Sanofi a choisi d’ouvrir des négociations exclusives avec le fonds américain CD&R pour la cession «50% ou plus» de sa filiale Opella.

Le Doliprane sera finalement américain. Jeudi, le conseil d'administration de Sanofi s'est réuni pour décider qui, du français PAI allié à d'autres fonds étrangers ou de l'américain CD&R, rachèterait une partie de sa division dédiée à la santé grand public. Le laboratoire français a confirmé vendredi matin être entré en négociations avec CD&R pour lui céder une part majoritaire d’Opella. Selon plusieurs sources, le fonds offrirait une valorisation de 15,5 milliards d'euros pour cette entité qui commercialise également le Dulcolax, la Lysopaïne, ou le Maalox, représente 12% du chiffre d'affaires actuel de Sanofi et emploie 11.000 salariés. 

Depuis plusieurs semaines, chaque camp affûtait ses arguments pour emporter ce duel serré. Selon plusieurs sources, le prix n'aurait pas été discriminant, les deux candidats ayant formulé des offres très proches sur le plan financier. Et pour cause : vendredi, PAI avait été incité à rallonger son offre de 350 millions d’euros afin d’égaliser son rival. 

Un prix égal entre les deux offres

D’autres sources s’étonnent qu’à prix égal, le conseil d’administration de Sanofi ait privilégié un acteur américain à un acteur français, même épaulé par des fonds étrangers. En choisissant CD&R, le conseil d’administration de Sanofi aurait souhaité manifester son indépendance à l’égard du gouvernement français. Son président, Frédéric Oudéa, aurait rencontré le patron monde de CD&R la semaine dernière à Paris, à l’initiative de Gilles Schnepp, associé au sein du fonds américain et par ailleurs administrateur de Sanofi, mais aurait refusé de rencontrer les représentants de PAI. «La surface financière de CD&R est beaucoup plus importante que celle de PAI, estime plutôt une autre source proche du dossier. Il sera plus à même d’accompagner Opella à l’avenir et de réaliser les investissements nécessaires à son développement.» Quant à Gilles Schnepp, selon Sanofi, il n’a assisté à aucun conseil sur la cession d’Opella et n’a pas voté sur le sujet. 

Souveraineté française

Le dossier est suivi de près jusqu’à l’Élysée. Alexis Kohler, son secrétaire général, a reçu les deux candidats la semaine dernière. Dès jeudi soir, le cabinet du ministre délégué à l'Industrie, Marc Ferracci, a «pris acte» de la décision de Sanofi. CD&R «est un fonds d'investissement sérieux qui présente des perspectives positives pour le développement global d'Opella ainsi que pour les sites implantés en France», a-t-il estimé. En France, le fonds américain a par le passé investi dans Conforama, alors en difficultés, Rexel ou Spie.

Le gouvernement exigera certes «un certain nombre d'engagements économiques de la part de Sanofi et du futur repreneur CD&R». Parmi eux : «le maintien du siège et des centres de décisions sur le territoire national» ainsi que la préservation de l’empreinte industrielle d’Opella. L'entreprise exploite 13 sites de production dans le monde, dont deux en France.

Quatre médicaments stratégiques

Les cris d’orfraie poussés lorsque le laboratoire Servier a envisagé de vendre Biogaran à un acteur indien semblent bien loin. Les deux dossiers sont différents. La cession de Biogaran comportait le risque d’une délocalisation rapide de la production de médicaments essentiels en Inde : le champion français des génériques passe en effet commande auprès de sous-traitants dont les contrats sont facilement résiliables. En France, une trentaine d’entreprises en dépendent.

Le portefeuille d’Opella ne comprend a contrario que quatre médicaments jugés stratégiques. 90 millions d’euros ont par ailleurs été investis par Sanofi ces dernières années pour solidifier l’ancrage d’Opella en France, son deuxième marché. 20 millions d'euros supplémentaires ont été consacrés à augmenter de 40% la capacité de production du Doliprane en France ces prochaines années.

Lettre ouverte de députés

Aux yeux de l’exécutif, la décision de Sanofi «ne remet donc en question ni la production en France du Doliprane ou des autres médicaments essentiels produits par Opella en France, ni l'approvisionnement du marché français». 

Ce n’est pas l’avis de députés de tous bords, qui se mobilisent. 62 députés Ensemble pour la République-MoDem-Horizons-LR et Liot ont signé une lettre envoyée au ministre de l’Économie, Antoine Armand, soulignant que cette opération «pose un enjeu très préoccupant pour notre sécurité nationale». «Il est indispensable que l'État agisse pour protéger nos fleurons industriels et assurer la souveraineté sanitaire de la France», soulignent de leur côté Laurent Wauquier, le patron des députés LR et Yannick Neuder, le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale. Si la France ne pèse que 10% du chiffre d’affaires d’Opella contre 25% pour les États-Unis, la présence du Doliprane dans son portefeuille en fait un totem français.

Ce projet de cession ne remet en question ni la production en France du Doliprane ou des autres médicaments essentiels produits par Opella sur notre territoire, ni l'approvisionnement du marché en ces médicaments. »

Marc Ferracci, ministre français en charge de l'Industrie

Sanofi a annoncé il y a un an son intention de se séparer de cette entité – un mouvement qu'ont déjà réalisé la plupart de ses concurrents, Pfizer, GSK et Johnson & Johnson en tête. 

Le laboratoire français souhaite pouvoir concentrer ses moyens sur le développement de médicaments innovants, une activité très différente de la santé grand public, plus proche de l'univers de la grande consommation. La directrice générale d'Opella, Julie Van Ongevalle, a d’ailleurs longtemps travaillé chez Estée Lauder.

Développement des compléments alimentaires

Depuis son arrivée, elle a su redresser Opella, qui perdait encore des parts de marché en 2020. Avec un chiffre d'affaires de 5,2 milliards d'euros, en hausse de 4,8% en 2023, le pôle de santé grand public de Sanofi est aujourd'hui le numéro trois mondial du secteur - certes très éclaté - derrière Haleon et Kenvue.

Ces dernières années, le portefeuille a été dépoussiéré. 55% des marques ont été élaguées. Opella a concentré ses efforts et ses investissements sur 15 grandes marques qui représentent aujourd'hui 80% du chiffre d'affaires. Le Doliprane est la deuxième marque du groupe, mais il n’est que peu connu à l’étranger. Le portefeuille s'est enrichi l'année dernière de l'acquisition de Qunol sur le segment très porteur des compléments alimentaires. Avec cet ajout, Opella réalise un quart de son chiffre d'affaires aux États-Unis, son premier marché.

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