Antoine Pirard et Thibault Vigié (Fnac Darty) : "Fnac Darty a déployé ...
Dans une interview accordée en exclusivité au JDN, Antoine Pirard, directeur digital, et Thibault Vigié, directeur de la stratégie et de la transformation, présentent les principaux cas d'usage d'IA générative chez Fnac Darty.
JDN. Sur quels objectifs repose la stratégie IA générative de Fnac Darty ?
Thibault Vigié. Notre ambition sur l'IA générative repose sur deux piliers. Le premier est d'accélérer notre transformation digitale, à la fois en améliorant la productivité de l'ensemble de nos collaborateurs, mais aussi l'expérience client. Notre deuxième ambition est d'être les leaders pour nos fournisseurs partenaires et nos clients, sur tous les produits et services avec de l'IA embarqué.
Vous évoquez le rôle de l'IA générative dans l'expérience client, quels cas d'usage avez-vous mis en place ?
Antoine Pirard. Nous considérons l'IA générative comme un facilitateur important pour améliorer l'expérience des clients. Le cœur de notre mission est que le client est toutes les informations produit pour faire un choix éclairé. Au total, nous avons 15 millions d'offres sur nos sites, donc la volumétrie est colossale.
Dans les cas d'usage déployé aujourd'hui, nous avons l'enrichissement de fiches produits, le moteur de recherche, la recommandation de produits, la synthèse d'avis clients et les cas d'usage pour le service client. Au total, nous sommes à une dizaine de cas d'usage passés à l'échelle aujourd'hui. Au-delà de l'expérience client, le reste concerne plutôt des cas de productivité. Que ce soit auprès des développeurs avec de l'écriture de code ou du code review, ou des techniciens avec la documentation.
Par quoi avez-vous commencé ?
Thibault Vigié. Avec Antoine et tout l'écosystème digital, nous avons travaillé à identifier quels sont les besoins qui vont créer le plus de valeur pour l'organisation. Et c'est aussi pour cette raison qu'on s'est concentrés sur le catalogue et le search qui sont déterminants pour notre chiffre d'affaires, notre volume d'affaires digital et notre croissance.
Antoine Pierard. En effet, nous avons commencé par l'optimisation de nos fiches produit. Le premier sujet, a été la catégorisation de ces fiches grâce à l'IA générative. Des bots ont identifié si la fiche était bien catégorisée. Et quand ce n'était pas le cas, ils la modifiaient. Ensuite, nous avons étendu le processus à l'amélioration du titre, des descriptifs, l'enrichissement des valeurs de facettes, et enfin le sujet des photos. Notre logique est d'adresser les sujets les plus essentiels, pour aller ensuite vers des cas d'usage d'IA plus complexes.
Et qu'avez-vous observé en termes de création de valeur ?
Antoine Pierard. Entre un produit bien catégorisé grâce à l'IA générative et pas bien catégorisé, l'accélération du taux de clic est très forte. Nous ne communiquons pas la valeur d'accélération, mais c'est une croissance à deux chiffres. Et on parle de plusieurs millions de fiches produits enrichies par an depuis 2023.
Vous parliez du search comme cas d'usage central. Qu'avez-vous fait en la matière ?
Antoine Pierard. Le moteur de recherche est essentiel pour permettre un choix éclairé à nos consommateurs. C'est l'endroit où s'organise la rencontre entre, plus de 27 millions de visiteurs uniques par mois sur nos sites et ces 15 millions d'offres que j'évoquais.
Nous commençons à évoluer avec l'IA générative pour passer d'un moteur très transactionnel avec des requêtes assez précises, à une recherche conversationnelle. Le point de départ a été de considérer que la liste de résultats telle qu'on la pratique aujourd'hui avec plein de produits, nous paraîtra désuète dans quelques années. Les clients dialoguent déjà avec nous via des recherches successives que nous observons. L'enjeu pour nous est d'arriver à prendre en compte ces informations dans le moteur de recherche. Donc nous avons commencé à améliorer les algorithmes de search avec de l'IA générative à plusieurs niveaux. Notamment en catégorisant les requêtes et en intégrant l'association sémantique. Ces nouveauté non visibles par le client final améliorent la pertinence des résultats.
"Nous avons commencé à améliorer les algorithmes de search avec de l'IA générative"
D'autres cas seront déployés en ce début d'année, notamment dans le cœur de la page de résultat pour mieux accompagner le client dans sa recherche. Concrètement, nous allons proposer aux clients de filtrer leur requête directement sur la page de résultat pour la préciser. Nous voulons guider, au fur et à mesure, le client en entonnoir. Pour tester ce type de parcours nous avons lancé le moteur à cadeau sur un échantillon de clients pendant les fêtes. Ces filtres sont intéressants, mais nous voyons bien qu'à un moment, ils ne sont pas au cœur de la navigation non plus.
Quelle sera la prochaine étape ?
Antoine Pierard. Nous ne pouvons pas tout dire, mais nous y travaillons activement.
Thibault Vigié. Le but est d'essayer autant que possible de reproduire le dialogue qu'on aurait avec un vendeur en ligne. Tous les outils que présente Antoine permettent de reproduire dans une certaine mesure ces interactions là. Le sens de la démarche est d'aller vers de plus en plus d'interactions en langage naturel, dans la recherche et directement sur la page de résultats.
Au-delà du moteur de recherche en lui-même, comment travaillez-vous avec l'IA à la découverte des produits ?
Antoine Pierard. Dans cette même logique, nous avons un cas d'usage déployé sur les carrousels de recommandations de produits sur le site e-commerce. Cela a impact significatif sur la pertinence des résultats, car, même si ce n'est pas visible immédiatement, l'IA renforce l'algorithme avec l'intégration de l'historique de navigation et complète la notion de produits similaires et produits associés. Là encore les algorithmes sont enrichis avec l'association sémantique et une meilleure compréhension du catalogue produit.
Vous ne l'avez pas encore évoqué, mais le service client est généralement le métier le plus touché par l'IA générative dans le retail. Que fait Fnac Darty dans ce domaine ?
Antoine Pierard. Sur les enjeux de relations clients, nous accélérons les réponses apportées aux clients grâce à l'IA générative avec l'objectif que les 10 principaux motifs d'interactions clients soient automatiquement couverts avec l'IA. La demande de factures, les procédures SAV ou le suivi de commandes. Nous mettons en ce moment ces cas d'usage en production. Cette capacité de l'IA à répondre directement au client sera disponible directement dans l'espace SAV du client.
Pour mettre en application ces cas d'usage, quels sont les prérequis que vous avez déployé ?
Thibault Vigié. Cela a supposé un schéma directeur qui rend toutes les données facilement accessibles aux modèles d'IA, et c'est aussi toute la stratégie de cloud que nous avons mise en place dès 2018 avec notre partenaire GCP sur la data. Et donc aujourd'hui, nous avons Google sur toute la data et Microsoft Azure sur nos enjeux d'expérience client sur le site. Ce sont des prérequis très utiles pour être agile. Après la révolution du mobile, des marketplaces, l'e-commerce entame sa troisième révolution avec l'IA générative.
"Notre enjeu est que les POC ne fassent pas flop"
Antoine Pierard. Depuis début 2023, nous mettons progressivement en place des opportunités apportées par l'IA générative. Pour cela, il a fallu que nous nous structurions, notamment avec la création d'une Data and AI Factory, dont la mission est de garantir que nous pouvons passer à l'échelle nos expérimentation. S'il est relativement facile de tester avec l'IA, notre enjeu est que les POC ne soient pas un flop. Cette équipe centralise toutes les expertises pour s'assurer la façon dont on va construire un cas d'usage, le choix du modèle, le choix de l'architecture, etc. Le passage à l'échelle, du point de vue de l'expérience client, est déterminant parce que nous parlons de dizaines de millions de visiteurs, et donc de connexions et d'interactions avec notre écosystème.
Comment calculez-vous en amont le ROI des cas, pour arbitrer sur leur déploiement ou non ?
Antoine Pierard. Le ROI en IA générative vient assez vite parce que ce sont des éléments que nous calculons avec des A-B tests. Je dirais que dans 80% des cas le ROI est court terme et 20% des projets sont plus exploratoires. Nous travaillons aussi sur de l'IA décisionnelle en R&D. Mais nous travaillons aussi à réduire le coût de set-up. Plus nous avancerons dans le temps, moins le coût de set-up sera élevé.