CAF. Pour en finir avec les pensions alimentaires impayées
Une réforme, entrée en vigueur le 1er janvier, garantit le paiement par la CAF des sommes dues au conjoint lésé. Explications.
De guerre lasse, elle a préféré baisser les bras. Valérie, mère célibataire de deux ados de 14 et 16 ans, a toujours jonglé sans trop pouvoir compter sur la pension alimentaire de son ex-conjoint. Retards accumulés, justifications incessantes… « Je sais que c’est un droit, mais j’en avais assez de toujours avoir le sentiment de quémander les 400 euros de pension, dit-elle. Alors j’ai laissé tomber. Même si évidemment j’avais besoin de cet argent pour mes enfants. » En France, entre 30 et 40% du 1 million de pensions alimentaires ne sont pas versées du tout, ou avec des irrégularités et des retards. Chaque année, 350 000 personnes sont victimes de ces impayés. Principalement des femmes, qui forment 85 % des familles monoparentales. Parmi elles, 33 % sont touchées par la précarité, soit deux fois plus que le reste de la population.
Plus de 400 000 séparations sont recensées chaque annéePour tenter de contrer le problème, le gouvernement a lancé une réforme du versement de cette pension, entrée pleinement en vigueur le 1er janvier. Ce mardi, Emmanuel Macron doit se rendre à la caisse d’allocations familiales (CAF) de Tours (Indre-et-Loire) afin d’en faire la promotion. Un premier déplacement officiel pour le président, qui devrait rencontrer des bénéficiaires de cette réforme, annoncée à l’issue du grand débat national. Le sujet concerne une famille sur quatre (2,4 millions de personnes), sachant que plus de 400 000 séparations sont recensées chaque année. Et les pensions alimentaires représentent un cinquième des ressources des familles monoparentales, pour lesquelles le non-versement constitue une véritable épée de Damoclès. « Les impayés paralysent les mères célibataires, notamment parce que la pension est souvent utilisée comme instrument de pression ou de menace, alors qu’elle est une réelle préoccupation pour boucler les fins de mois », constate Constance Bensussan, conseillère solidarités, égalité femmes-hommes, luttes contre les discriminations du président de la République.
Une réflexion a été menée, avec les associations de soutien aux familles monoparentales et les différents ministères concernés, pour mieux sécuriser le versement des pensions et protéger durablement les familles. En 2016, avait déjà été créée l’Agence de recouvrement des impayés de pension alimentaire (Aripa). « Peu connu, ce système n’a réglé que 20 % des impayés », reconnaît Constance Bensussan. Il fallait par ailleurs que la victime renouvelle ses démarches à chaque impayé. Désormais, la CAF ou la MSA (pour les allocataires du régime agricole) peuvent collecter la pension alimentaire auprès du parent qui doit la payer et la verser ensuite tous les mois à celui qui doit la recevoir. Elles peuvent réaliser des prélèvements sur les comptes bancaires de l’ex-conjoint. Le service était déjà proposé depuis le 1er octobre, mais uniquement aux parents ayant des problèmes d’impayés (10 000 parents en ont bénéficié). Il est maintenant accessible à tous. « La demande peut se faire par l’un des deux parents, à la CAF ou au juge lors d’un divorce, précise Constance Bensussan. Avec une seule démarche, la caisse sera alors l’intermédiaire jusqu’aux 18 ans de l’enfant. » En cas d’impayés, la CAF versera automatiquement un montant de 116 euros par mois au parent lésé et se retournera ensuite vers le mauvais payeur, en prélevant directement la somme concernée sur son compte en banque. En cas d’insolvabilité, l’ex-conjoint sera contacté pour mettre en place un calendrier permettant de rattraper le retard.
Ce nouveau système, largement inspiré par celui mis en place au Québec depuis 1995, devrait monter en puissance et toucher 100 000 personnes par an. Dans cette perspective, 450 agents ont été recrutés afin de traiter les demandes. Coût total de l’opération : 42 millions en 2020, 85 millions en 2021 et 122 millions à partir de 2022. Au Québec, on ne compte plus aujourd’hui que 4 % d’impayés.