Brigitte Bardot en 1996 : « Je ne donne pas tellement de coups ...

Entretien  A l’occasion de la publication de son autobiographie « Initiales B.B. », l’icône du cinéma français des années 1960 se livrait sans fards aux lecteurs du « Nouvel Observateur », évoquant le cinéma, la sexualité, les animaux, Le Pen... Archive.

« Il fait chaud. Je peux ôter ma veste ? – Vous pouvez même tomber la culotte, moi ça ne me gêne pas. » Elle est plus Bardot que nature, Brigitte. La silhouette parfaite, haute et mince. Les cheveux fauves ramassés en un gros chignon un peu lâche. Les yeux brillants. Elle est vêtue d’un élégant ensemble pantalon noir et blanc. Elle éclate de rire : « J’ai l’impression d’être déguisée. D’habitude, vous savez, à la campagne, je suis en jean et en pull, avec des bottes et plein de terre dessus. C’est que j’ai du pain sur la planche avec mes animaux. »Nous sommes au siège de sa fondation, dans une petite rue du 16e arrondissement de Paris. Des messieurs-dames en quête d’adoption tendent le cou pour apercevoir leur idole. Mais la bonne fée va, provisoirement, redevenir star. Le temps de lancer son autobiographie. Un gros livre qu’elle a, dit-elle, mis vingt ans à écrire : « Je l’ai fait toute seule, avec ma mémoire. Un accouchement difficile, douloureux parce que ma mémoire, elle, ne m’a pas trahie. Tout ce passé, ces douleurs, ça m’a fait mal. C’est pour ça que je n’ai pas relu et que je ne relirai jamais mon livre. Mais j’en ai bavé, vous ne pouvez pas imaginer. Quelquefois je cherchais un mot et je ne le trouvais pas. Alors j’allais promener les chiens. Et puis à un moment, paf ! le mot me revenait. A propos, vous l’avez trouvé comment, mon livre ? Vous pouvez être franc, vous avez le droit. »C’est le livre, gros, épais, comme charnu, d’une histoire folle, d’une légende que l’on croyait savoir par cœur. Celle d’une petite fille de bonne famille qui à l’âge de14 ans commence à subir, oui subir, une série d’avatars qui en feront la femme la plus célèbre, la plus convoitée, la plus chérie, et bien sûr la plus exploitée de son temps. Elle raconte tout de son ton vif et imperturbable, B. B., le pire comme le meilleur. Les amours et les passades, les bonheurs et les malheurs. Cet intermède exquis à Buckingham Palace, lors d’une Royal Performance : avant d’être présentée à la reine Elisabeth, elle se réfugie un instant dans une powder room pour vérifier son image, et découvre dans le miroir une autre illustre blonde qui lui sourit. Marilyn, évidemment. Les fandangos et les suicides. Les amants qui passent. La sinistre vie conjugale avec Jacques Charrier, la mascarade des noces avec Gunther Sachs du côté de Las Vegas.Les films qu’elle tourne avec mauvaise grâce, même si c’est parfois - rarement, hélas ! - René Clair, Clouzot, Autant-Lara, Louis Malle ou Michel Deville qui sont derrière la caméra. La foule qui vous chérit avec tant de passion qu’elle vous étouffe. La malédiction dorée, qui a déjà massacré Marilyn, Martine Carol ou Romy Schneider, et à laquelle il faut échapper. Et elle y arrivera, Brigitte, mi-chèvre de Monsieur Seguin, mi-Scarlett O’Hara. Une petite fille qui résiste toute la nuit, même si elle sera mangée à l’aube. Au passage, on est un peu triste pour quelques mauvaises glissades de type « politiques », enfin, nobody is perfect. Mais Dieu qu’elle a souffert, Dieu qu’elle s’est amusée, Dieu qu’elle a vécu, B. B. !« Alors, mon livre ? » Eh bien, non pas dans la même veine, mais dans un élan similaire, on évoque la « Nostalgie... » de Simone Signoret. Elle rosit de bonheur, incrédule, Brigitte. Et puis elle accepte le compliment, en toute simplicité. En route.

Le Nouvel Observateur. Avec ce livre, une chose est sûre. A votre corps ou cœur défendant, vous êtes une actrice ?

Brigitte Bardot.  C’est que si j’allais au ciné en traînant les pieds, quand j’y étais je faisais de mon mieux. Je n’aime pas rater ce que j’entreprends

Et si on vous offrait aujourd’hui un rôle formidable ?

Ecoutez, j’ai abandonné le cinéma il y a vingt-quatre ans. A l’époque, j’avais 38 ans. J’étais jeune et jolie.

Mais on ne fait pas…