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Brics : « Ceux qu'on appelait le tiers-monde veulent désormais être ...

Brics   Ceux quon appelait le tiersmonde veulent désormais être
Un sommet Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud s’ouvre ce mardi 22 août. Nouvel espace de concertation, les Brics cherchent à créer les conditions pour faire émerger un nouvel ordre international qui ne serait plus centré sur la domination occ

La Croix : Les Brics se réunissent mardi 22 août en Afrique du Sud, pour discuter des moyens d’étendre leur influence sur la scène politique et économique mondiale. Comment fonctionne ce type de sommet ?

Bertrand Badie : C’est une initiative russe qui, dès les années 2005-2006, a transformé cet ensemble informel en structure de concertation plus que de délibération entre des pays dotés d’économies émergentes. Vladimir Poutine avait compris que le salut de la Russie passait par la construction de formes nouvelles de convergence avec des États qui ne représentaient pas l’ancien bloc soviétique, mais qui pouvaient s’y substituer. La réunion des Brics s’est donc ritualisée, à partir d’un ordre du jour très souple, où les conciliabules de couloir et les dîners prennent plus d’importance que les grands débats autour de la table.

S’il ne faut pas en attendre de véritable décision, ces rassemblements sont l’occasion de pouvoir mieux connaître les attentes et les intérêts des partenaires et, donc, d’imaginer des formes nouvelles de convergence politique. Très vite, le politique a pris le dessus sur l’économie, tant les différences sont grandes entre les économies de la Chine, de l’Afrique du Sud, du Brésil, de l’Inde et de la Russie.

Quels sont les intérêts politiques communs entre une démocratie du type du Brésil et un régime autoritaire à la chinoise ?

Bertrand Badie : À travers les Brics, ces pays constituent un ensemble capable de contester l’hégémonie politique occidentale qui a émergé après la guerre froide, et de lancer des formes nouvelles de coopération politique au moment où le système des Nations unies est en panne. À l’inverse du G7, qui repose sur un recentrement sur les vieilles puissances, les Brics sont plus inclusifs et plus représentatifs : des pays des quatre grands continents y figurent et on y discute l’entrée de nouveaux membres. Quand le G7 cherche à maintenir l’ordre actuel, les Brics visent en somme à actualiser la mondialisation par des structures nouvelles de concertation.

On va parler beaucoup de l’élargissement des Brics durant ce sommet. Quel serait l’impact d’une telle décision ?

Bertrand Badie : C’est un pari sur l’avenir. Selon une lecture optimiste que partagent la plupart des dirigeants des Brics, l’élargissement permettra d’isoler, voire de marginaliser l’Ancien Monde, en l’occurrence le monde occidental, tout en instaurant un espace de connivence particulièrement vaste qui créera les conditions d’un nouvel ordre international. La vision pessimiste, c’est qu’effectivement, à force de s’élargir, on en fait un forum qui dégrade la qualité de la concertation.

Seule certitude, il existe clairement une volonté de se démarquer d’un ordre international dont le conflit russo-ukrainien a montré la faillite. Cet ensemble d’États qu’on appelait le tiers-monde veut désormais être le premier monde. Un certain nombre de pays du Sud global cherchent aussi à s’émanciper de la vieille tradition de l’alignement derrière une puissance ainsi qu’à enterrer les alliances. On le voit par exemple avec l’Arabie saoudite, qui privilégie la diplomatie de l’union libre, au gré des circonstances et de ses intérêts.

Comment définir justement le Sud global ?

Bertrand Badie : Le Sud global n’a pas de signification géographique, puisque certaines nations qui se revendiquent sous ce label sont au Nord et vice versa. Il s’agit de l’ensemble des pays qui étaient exclus de la gouvernance mondiale et qui, parce qu’ils sont majoritaires démographiquement et de plus en plus puissants économiquement, veulent s’émanciper de toutes sortes de dominations. C’est en quelque sorte l’alliance de ceux qui ont été humiliés et marginalisés dans le système ancien qui a été pérennisé à la fin de la guerre froide.

Bien qu’étant historiquement un acteur majeur, la Russie joue avec un certain succès la carte de la défense des exclus de l’ordre international. Les revers de la Russie en Ukraine et son exclusion du système international rencontrent en effet un écho chez ceux qui se sentent victimes de la domination occidentale.

Donc, le rejet de la domination occidentale serait le premier facteur qui unit ces pays…

Bertrand Badie : On commettrait une erreur en limitant les dynamiques actuelles à la contestation de l’hégémonie occidentale, laquelle est par ailleurs de moins en moins évidente. Ce qui se décide aujourd’hui, c’est une volonté de construire politiquement la mondialisation. Les gouvernements occidentaux ont longtemps cru que la mondialisation était leur produit et qu’elle ne remettait pas en cause leurs projets historiques. Or, au fil du temps, elle a profité davantage aux pays dits émergents, devenant un instrument d’endiguement, voire de contestation de la domination occidentale. Lorsque le Vieux Monde s’est rendu compte des incertitudes provoquées par cette mondialisation, il était trop tard.

À vous entendre, on a le sentiment que l’Occident a déjà perdu…

Bertrand Badie : On constate la faillite des institutions multilatérales dans leur versant politique et sécuritaire, que ce soit le Conseil de sécurité de l’ONU, la Banque mondiale, le FMI, autant d’organisations où les Occidentaux dominent. Quant à l’hégémonisme militaire américain, il ne leur a pas permis de gagner les guerres du Vietnam, de l’Afghanistan et de l’Irak.

Mais les jeux ne sont pas faits. On ne sait rien de la capacité de convergence de ces États du Sud qui, dans leur rejet de l’Occident, peuvent être unis mais qui, dans la réalité de leur accomplissement, sont loin d’être sur la même ligne. Regardez le conflit sino-indien, l’instabilité incroyable du Moyen-Orient, les prédations commises par certains États africains sur leurs voisins. L’autre grande interrogation concerne l’avenir de la mondialisation elle-même et les formes nouvelles de contestation qu’elle engendre.

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