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Vendredi Vert : comment résister au Black Friday en temps de pandémie

Vendredi Vert  comment résister au Black Friday en temps de pandémie
En plein essor, deux collectifs farouchement opposés au Black Friday appellent à consommer moins et mieux. Mais si les comportements d’achats évoluent face aux enjeux écologiques, ils restent ambivalents. L’anthropologue Fanny Parise évoque un be

En plein essor, deux collectifs farouchement opposés au Black Friday appellent à consommer moins et mieux. Mais si les comportements d’achats évoluent face aux enjeux écologiques, ils restent ambivalents. L’anthropologue Fanny Parise évoque un besoin de réassurance, sur fond de crise du Covid-19.

Green Friday et Make Friday Green Again, deux collectifs qui appellent plus que jamais à une consommation responsable, face au Black Friday, dans un contexte de triple crise :  sanitaire, économique et environnementale.
Green Friday et Make Friday Green Again, deux collectifs qui appellent plus que jamais à une consommation responsable, face au Black Friday, dans un contexte de triple crise : sanitaire, économique et environnementale. Crédits : Green Friday / MFGA

Comme chaque dernier vendredi ou samedi de novembre depuis 1992, un appel à la déconsommation est lancé, une journée mondiale sans achat, un "Buy nothing day" contre la société de consommation et ce qu'elle entraîne. L'exact inverse du Black Friday.

La prise de conscience environnementale s’est renforcée depuis le début de la pandémie. Mais elle pourrait bien être quelque peu oubliée par une grande partie de la population, à l’occasion de ce "vendredi noir" fortement décrié et exceptionnellement décalé à la demande du gouvernement du 27 novembre au vendredi 4 décembre, au terme d'un bras de fer avec Amazon.

Selon une étude réalisée par Opinium Research début novembre, deux Français sur trois interrogés comptent effectuer des achats lors de cette gigantesque opération de vente à prix cassés importée en 2013 des États-Unis. Autres résultats du sondage : le Black Friday pourrait représenter 35% des cadeaux de Noël, avec une majorité de 70% des transactions en ligne, pour un budget moyen de 245 euros, notamment dans le secteur de l’électronique et de l’habillement. 

En pleine expansion, deux collectifs pour un "vendredi vert", Green Friday et Make Friday Green Again, boycottent ce rendez-vous phare de l’hyperconsommation. 

Le premier, Green Friday, créé en 2017 sous la forme d’une association, exige de la part de ses quelque 500 adhérents désormais, des garanties en termes d’utilisation et de provenance des matières premières ou encore de l’emploi des salariés

Le deuxième, Make Friday Green Again, lancé l’an dernier par une marque éco-responsable, rassemble aujourd’hui plus de 1 100 enseignes, mais sans qu’elles aient l’obligation de montrer "patte blanche" sur leurs modes de fabrication ou de distribution, avec le risque que certaines profitent de l’opération, en vue d’améliorer leur image : ce que l'on appelle le "greenwashing". 

La montée en puissance des anti-Black Friday, pour des raisons à la fois économiques et écologiques, n’est pas suffisante pour modifier sensiblement les comportements.  

Et pour cause, "le consommateur, un être paradoxal par nature", malgré ses prises de conscience sur les enjeux écologiques, peut chercher à "se rassurer", par un grand nombre d’acquisitions aux plus bas prix possibles, selon l’anthropologue Fanny Parise, chercheure associée à l’université de Lausanne, spécialiste de l’évolution des modes de vie et de la consommation. 

Moins nombreux, 68% des Français contre 75% en 2019 pourraient effectuer des achats lors du Black Friday, le 4 décembre, avec un budget moyen de 245 euros, en hausse d'une dizaine d'euros.
Moins nombreux, 68% des Français contre 75% en 2019 pourraient effectuer des achats lors du Black Friday, le 4 décembre, avec un budget moyen de 245 euros, en hausse d'une dizaine d'euros. Crédits : PwC / Strategy&
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Le collectif Green Friday : pour un vendredi totalement éco-responsable

Quatre ans après l’introduction en France du Black Friday, le réseau Envie réagit à l’importance croissante de la journée de super soldes post-Thanksgiving. Ce réseau d'ateliers de réparation et de recyclage est le premier, en 2017, à lancer une opération concurrente, une journée de sensibilisation à une consommation plus responsable, en la baptisant Green Friday, nom également de l’association qui comprend trois autres membres fondateurs : Altermundi, DreamAct et Refer.

D’abord engagé contre le gaspillage et pour la rénovation, la réparation et le recyclage, le collectif se bat aussi désormais pour une consommation responsable et raisonnée et résolument contre "la course à la consommation kamikaze" du Black Friday dont il présente la logique qui le sous-tend, comme "une course au moins disant social et environnemental". 

Green Friday comprend aujourd’hui quelque 500 structures, deux fois plus que l’an dernier, engagées contre la surconsommation par des opérations de sensibilisation, précise Diane Scemama, membre fondatrice du collectif et co-créatrice de l'e-shop de mode éthique DreamAct : 

Le jour J, au lieu de promotions, nous proposons aux citoyens de réduire leur consommation, d’avoir une consommation réfléchie et raisonnée, de participer à des ateliers et nous reversons 10% du chiffre d’affaires du Green Friday à des associations partenaires, cette année à HOP (Halte à l’obsolescence Programmée), Zero Waste France, Surfrider ou encore Ethique sur l’étiquette, une association œuvrant pour les droits du travail dans les pays du sud.

A Paris XXe, dans l’atelier d’Extramuros membre du Refer, cofondateur du Green Friday qui cherche à sensibiliser les consommateurs sur de “bonnes pratiques” :  réparer pour allonger la durée de vie des produits, acheter local ou labellisé.
A Paris XXe, dans l’atelier d’Extramuros membre du Refer, cofondateur du Green Friday qui cherche à sensibiliser les consommateurs sur de “bonnes pratiques” : réparer pour allonger la durée de vie des produits, acheter local ou labellisé. Crédits : Green Friday

Les structures adhérentes au collectif sont déjà impliquées sur le réemploi, l’insertion professionnelle, le commerce équitable, la durabilité et le "made in France" et elles doivent toutes présenter des garanties sur leur mode de production, sur l’utilisation des matières premières et sur l’emploi des salariés

Comme le souligne Diane Scemama, elles sont d’une grande diversité, dans les secteurs du jouet, de l’électroménager, de l’électronique ou encore de l’habillement, mais avec le même objectif :

Les structures qui nous rejoignent répondent à un questionnaire et sont forcément des entreprises engagées toute l’année pour la promotion d’une consommation responsable : des associations, des petits commerces locaux ne vendant et en toute transparence que des produits du territoire, des artisans utilisant des matières innovantes et éco-responsables, mais aussi des plateformes en ligne et de plus grosses entreprises, entreprises à mission, labellisées ESUS ou B Corp, ou qui ont bien inscrit leur mission sociale dans leur activité. 

Green Friday, pour éviter tout "greenwashing" ou toute exploitation pour des questions d’images, fait un travail de vérification approfondi, ajoute Diane Scemama :  

Une structure pratiquant par exemple des promotions deux semaines avant, ou deux semaines après le Green Friday, ne pourrait pas intégrer le collectif. Et je crois plus au changement venant des petites marques qui font les choses bien dès le début, en choisissant leurs matières, leurs fabricants localement. Il faut rester méfiant sur les grandes marques qui ont fait n’importe comment pendant des dizaines d’années et qui aujourd’hui, parce que c’est à la mode, utilisent des mots et des concepts éthiques et écologiques.

Malgré la crise sanitaire et malgré la crise économique et sociale, Diane Scemama estime que le combat cette année contre le Black Friday n’est pas perdu d’avance :

C’est sûr que les sirènes de la surconsommation via Amazon notamment dans ces temps de perte du pouvoir d’achat sont importantes. Mais le nombre des personnes qui nous suivent sur les réseaux, sur notre site web a triplé en un an. Une récente étude réalisée par Havas montre qu’une grande majorité de Français souhaitent donner du sens à leur consommation, regardent vraiment la provenance de ce qu’ils achètent et ont une défiance envers les grosses structures. Plus que jamais cette année, il y a des appels à boycotter Amazon, avec la pétition Noël Sans Amazon. Je pense que contrairement à 2017, nous ne sommes pas seuls et que le mouvement va avoir une résonnance plus forte.  

A l'issue de sa dernière édition, en 2019, le Green Friday, avait permis de reverser 25 000 euros à des associations partenaires du collectif. 

Vitrine d’un magasin participant à l’édition 2020 du Make Friday Green Again, collectif qui appelle à une consommation raisonnée et raisonnable face au Black Friday.
Vitrine d’un magasin participant à l’édition 2020 du Make Friday Green Again, collectif qui appelle à une consommation raisonnée et raisonnable face au Black Friday. Crédits : MFGA
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Le collectif Make Friday Green Again : pour un vendredi au "prix juste"

Avec le même mot d’ordre : “consommer moins et mieux”, une marque française de vêtements éco-responsables Faguo a créé l’an dernier un autre collectif baptisé Make Friday Green Again (MFGA), en détournant le célèbre slogan de campagne Make America Great Again, régulièrement utilisé par les politiciens aux États-Unis, depuis Ronald Reagan au début des années 1980. 

Les enseignes de tous secteurs, de Aigle à Naturalia en passant par Nature & Découvertes, qui participent à l’opération assurent simplement qu’elles ne feront pas de promotion, pendant le Black Friday, en signifiant publiquement leur opposition à cette journée symbole de l’hyperconsommation. Mais cela ne veut pas dire qu’elles sont forcément engagées en faveur de l’environnement toute l’année et qu’elles disposent toutes d’un label éthique.

L’entreprise à l’initiative de MFGA, Faguo, est toutefois une marque bien engagée, la première à avoir mesuré ses émissions de CO2, en faisant un bilan carbone, précise son cofondateur Nicolas Rohr : 

L'idée de créer de la mode responsable est inscrite dans notre démarche depuis que notre enseigne a vu le jour, en 2008, en donnant du sens dans la fabrication des produits, comme les chaussures, dans leur acheminement et dans leurs ventes. Nous utilisons des matières et packaging recyclés, pour notre production, avec de l’énergie renouvelable. Cela nous a permis de réduire drastiquement nos émissions de CO2, en passant de 9 kg à 6 kg par produit, en l’espace de cinq ans. Et comme l’arbre est le meilleur rempart contre le dérèglement climatique, nous compensons aussi nos émissions, en en plantant un pour chaque produit confectionné, soit aujourd’hui quasiment deux millions d’arbres en France, dans quelque trois cents forêts.  

Faguo, en s'inscrivant dans une démarche de déconsommation, plaide pour une consommation raisonnée et raisonnable, mais "sans blâmer personne", souligne Nicolas Rohr : 

Dans la phrase "consommer moins mais mieux", il y a vraiment du sens, à savoir consommer quand on en a besoin et pas à un moment où les prix sont bas. On sait qu'un tiers des vestiaires des Français n’a pas été utilisé dans l’année et d'après une étude de l’ObSoCo, 77% des Français estiment que le Black Friday contribue à la surconsommation et une majorité encore, 57%, qu’il incite à acheter des produits dont ils n’ont pas réellement besoin.  

Pour consommer moins et mieux, Make Friday Grean Again appelle les Français à acheter des produits quand ils en ont réellement besoin plutôt que lorsque les prix sont bas.
Pour consommer moins et mieux, Make Friday Grean Again appelle les Français à acheter des produits quand ils en ont réellement besoin plutôt que lorsque les prix sont bas. Crédits : MFGA

Contrairement à Green Friday, MFGA ne procède pas à des vérifications sur l’impact et la démarche des structures qui le rejoignent, et n’est donc pas en mesure de dire si certaines d’entre elles font du "greenwashing." L’important pour Nicolas Rohr reste ce premier pas contre l’hyperconsommation : 

S’engager contre le Black Friday est déjà un très beau pas en avant, dans le cheminement vers un progrès social et environnemental. C'est accepter de se positionner à contre-courant pour remettre un peu d’ordre dans la notion de prix qui doit être bonne pendant toute la saison. Un prix juste, c’est un prix qui dans la vie d’un produit, de son lancement jusqu’à la fin de la saison, n’a pas été modifié. D'abord pour qu’un consommateur l’achète uniquement quand il en a besoin et aussi pour qu’il n’y ait pas cette hérésie pour ce consommateur, pendant le Black Friday, où le prix d’un manteau soit par exemple de 50 euros et que la veille et le lendemain, il soit fixé à son prix habituel de 80 euros. Le Black Friday ne fait qu’être anxiogène sur les trois crises que nous traversons, sur la crise sanitaire avec les débordements de personnes qui se ruent dans les magasins, sur la crise économique, avec la question de confiance entre un consommateur et une marque sur la notion de prix juste et la crise environnementale, avec la surconsommation.

Les marques rejoignant MGFA sont plus nombreuses : 734 en 2019, plus de 1 100 cette année et dans tous les secteurs : mode, décoration, cosmétiques, outillage, assurances...  

Cette montée en puissance du positionnement "éthique" ou "responsable" des entreprises est la traduction d’une stratégie entamée dans les années 1990, explique l’anthropologue Fanny Parise : 

Elles n’ont pas le choix. Les entreprises se sont engagées dans une stratégie de survie, quand le consommateur est devenu "malin", qu’il ne voulait plus acheter pour acheter. Par rapport à une quête de sens, aux nouvelles valeurs liées à l'écologie, au développement durable, à la cause animale, à la spiritualité, aux valeurs féministes... elles ont dû s'adapter pour pouvoir continuer à être cohérente avec les nouvelles demandes et les nouvelles attentes des consommateurs.  

Et si les enseignes rassemblées au sein de MFGA ne sont pas toutes forcément éco-responsables ou totalement éco-responsables, dans leur mode de fonctionnement ou en raison de leurs liens capitalistiques avec des multinationales, si certaines peuvent profiter de l’opération pour faire du "greenwashing", Fanny Parise qui dirige l’étude CONSOVID 19, estime toutefois que les consommateurs font de plus en plus preuve de discernement

Les consommateurs sont en train de réaliser qu'une partie des entreprises et des marques le font sincèrement et vont mettre en place des changements profonds à la fois dans leurs process comme dans leurs stratégies de vente et qu'à l'inverse, d'autres vont opter pour un marketing de la bonne conscience. D'un point de vue anthropologique, il paraît compliqué que le "greenwashing" puisse fonctionner à long terme, parce que les adeptes de la déconsommation et ceux qui prennent de la distance par rapport à la société de consommation sont de plus en plus présents et avec une force de frappe de plus en plus importante. La crise sanitaire a aidé en ce sens. Dès que les individus commencent à prendre de la distance, ils deviennent un petit peu expert de leur quotidien et experts en consommation responsable et ils vont aller vers des marques qui sont cohérentes de A à Z, de la production à la distribution. Ce serait une grosse erreur de croire que cette prise de conscience ne touche qu'une élite. Quasiment toutes les personnes que nous interrogeons, quelle que soit leur classe sociale, quel que soit leur style de vie, se posent des questions et n’ont pas du tout la même vision des marques et de ce qu'elles mettent dans leur assiette ou dans leur placard qu'elles l'avaient il y a encore quelques années. Ce changement est assez récent, mais assez flagrant. Les individus se rendent compte de la qualité de l'image qui est arborée et des discours qui font sens ou pas

À LIRE AUSSI Protection de l’environnement et surconsommation : le paradoxe

Le Black Friday est en principe rejeté par la majorité des Français, critiqué par 77% des personnes interrogées, pour sa contribution à la surconsommation, dans l'étude de l’ObSoCo, publiée en 2019, avant la pandémie. Mais dans cette même étude, plus des deux tiers des personnes interrogées affirment aussi apprécier ce rendez-vous, pour faire de bonnes affaires

Fanny Parise explique ce paradoxe, par le poids d’un mode de vie bien ancré  : 

Tous les signaux renvoyés par la société, que ce soit au niveau des réseaux sociaux, des médias traditionnels et même des marques et des distributeurs, nous appellent à être tous des consommateurs responsables. Et par nature, l’être humain veut faire bien et ne veut pas avoir des choix de consommation qui vont aller à l’encontre de l’écologie, du bien-être animal ou encore des conditions de travail des individus qui vont lui permettre d’avoir son mode de vie. Mais comme le contexte et la société ne changent pas, il est parfois très compliqué de savoir comment parvenir à être vraiment un consommateur responsable. Et ce n’est pas parce que nous affirmons être dans une attitude responsable et que nous voulons consommer mieux que nous allons vraiment le faire. Nous restons accrochés à l’image et à nos habitudes de consommation héritées des grandes années de consommation. Avoir les meilleurs produits à moindre prix, cela reste positif pour les individus. Nos vieilles habitudes et nos réflexes sont encore bien présents et vont le rester pendant de nombreuses années.

Fanny Parise : “Nous restons accrochés à l’image et à nos habitudes de consommation héritées des grandes années de la consommation. Avoir les meilleurs produits à moindre prix, cela reste positif pour les individus”.
Fanny Parise : “Nous restons accrochés à l’image et à nos habitudes de consommation héritées des grandes années de la consommation. Avoir les meilleurs produits à moindre prix, cela reste positif pour les individus”. Crédits : Gérard Bottino / SOPA Images / Lightrocket - Getty
  • "Dans nos sociétés occidentales, la consommation a été considérée pendant des décennies comme une activité de loisir, une activité créant du sens dans la vie des individus"

La crise du Covid-19, selon Fanny Parise, contribue au maintien voire à une progression encore du phénomène de surconsommation : 

Dans cette situation de crise sanito-politique, le "monde d’après" est surtout ressenti comme un "monde d’un présent incertain", avec la limitation des sorties et la fermeture des commerces dits non-essentiels, dans le cadre du confinement. La peur de demain va donner à une partie de la population encore plus envie d'acquérir des produits. Il peut même y avoir un défoulement dans la consommation et une quête de bonnes affaires effrénée. La baisse du pouvoir d'achat, vécue ou crainte, est angoissante. Comme on ne sait pas de quoi demain sera fait, il s'agit en quelque sorte d'une "prise d’avance" par rapport à un futur peut-être plus sombre. Le Black Friday, en période de confinement, peut être perçu comme un levier de réassurance pour les individus, en donnant l’illusion que tout est un petit peu comme avant, parce qu’on peut continuer à consommer. Il faut rappeler que dans nos sociétés occidentales, la consommation a été considérée pendant des décennies comme une activité de loisir, une activité créant du sens dans la vie des individus.  

Selon une étude YouGov réalisée dans le contexte fin avril de forte incertitude du premier confinement, plus de la moitié des Français pensent qu’”il faut complètement revoir notre système économique et sortir du mythe de la croissance infinie”.
Selon une étude YouGov réalisée dans le contexte fin avril de forte incertitude du premier confinement, plus de la moitié des Français pensent qu’”il faut complètement revoir notre système économique et sortir du mythe de la croissance infinie”. Crédits : Greenflex
  • Des prises de conscience pendant les deux confinements

Malgré la grande tension entre ce modèle de surconsommation toujours bien inscrit et les aspirations à une consommation responsable ou à la déconsommation, Fanny Parise affirme qu’il ne faut pas pour autant sous-estimer les prises de conscience

Pendant le premier confinement et pendant le second aussi, il y a eu des prises de conscience sur la valorisation du "made in France" et des commerces de proximité. Le Black Friday, cette année, sera peut-être impacté par ces nouvelles aspirations des consommateurs. Il y a des micro-changements dans le quotidien des individus qui veulent consommer différemment. Et c’est là toute l’ambigüité et tout le paradoxe par rapport à cette société de la déconsommation et à cet engouement pour le Black Friday. Ces individus vont cristalliser leur attention sur ces micro-changements, mais au final, le reste de leur consommation n’est pas forcément modifiée. Et pour un observateur extérieur, il est donc assez compliqué d’arriver à déterminer la part de déclaratif par rapport à l’impact réel ou supposé dans leurs pratiques d’achat ou de non-achat.  

Écouter “Le deuxième confinement a positionné les individus dans un entre-deux confortable pour personne et compliquant les stratégies qui avaient commencé à se mettre en place pendant le premier confinement”. Fanny Parise, docteur en socio-anthropologie 4 min
“Le deuxième confinement a positionné les individus dans un entre-deux confortable pour personne et compliquant les stratégies qui avaient commencé à se mettre en place pendant le premier confinement”. Fanny Parise, docteur en socio-anthropologie

Les aspirations à une consommation plus responsable ne concernent plus seulement les élites, mais désormais tous les milieux, en raison d’une diffusion massive de messages sur les réseaux sociaux et dans les médias. Tout le monde est touché, mais les stratégies mises en place pour consommer différemment ne vont pas s’illustrer de la même manière, selon les catégories sociales, détaille Fanny Parise : 

Les classes populaires et les classes moyennes, ayant encore peu de réflexion sur la consommation responsable, vont être plus passives et s'inscrire en réaction aux offres qui vont être proposées par les acteurs historiques de la consommation et de la distribution. Les individus plus aisés, déjà engagés dans une démarche depuis plusieurs années, vont être davantage proactifs et vont se focaliser sur des circuits alternatifs ou sur des offres vraiment différenciantes et proposant une cohérence tout au long de la chaîne de valeur. Il y aura donc autant de Black Friday que d'individus et de rapports qu'ils vont avoir à la consommation, entre ceux qui vont choisir d'acheter et de faire une bonne affaire sur des marketplaces qui sont très décriées en ce moment et d'autres qui vont essayer d'assurer une continuité de l'expérience d'achat physique avec le "on line", mais en valorisant des produits locaux ou éthiques. Mais ce qui est vraiment intéressant, c'est que ce Black Friday rend compte d'un système de culpabilisation en 2020. Les choix d'un modèle économique et même un modèle de société sont des choix lourds de sens pour les individus. Ils rentrent en confrontation avec cette aspiration à une consommation plus responsable. Finalement, on se rend compte que cela conduit à limiter la liberté d'action des individus. Le Black Friday est une sorte de miroir de la société et des peurs qui entourent les individus et les différents groupes sociaux.  

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