Thèmes d'actualité fermer

Tahar Rahim, bluffant « Monsieur Aznavour »

Tahar Rahim bluffant  Monsieur Aznavour
L’acteur franco-algérien incarne l’icône de la chanson française. Mais comment est-il parvenu à ressusciter l’inoubliable interprète de « La Mamma » ?

« Quand Fabien [alias Grand Corps Malade, NDLR] et Mehdi [Idir] m'ont proposé le rôle d'Aznavour dans leur film, je me demandais si c'était une fausse bonne idée, reconnaît d'emblée l'acteur Tahar Rahim. Moi, dans la peau d'un tel personnage dont je n'ai ni le physique ni la voix ? Finalement, j'ai accepté. Et là, je me suis retrouvé au pied de l'Everest. »

La newsletter culture

Tous les mercredis à 16h

Recevez l’actualité culturelle de la semaine à ne pas manquer ainsi que les Enquêtes, décryptages, portraits, tendances…

Merci !Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

L'image n'est pas exagérée lorsqu'on s'attaque à un tel monument de la chanson, célèbre à travers le monde, et qu'on tente de cerner la personnalité d'un homme secret et pudique qui occupa la scène jusqu'à sa mort, le 1er octobre 2018, à l'âge de 94 ans.

Questions : comment devenir Charles Aznavour dont la voix, le visage, les attitudes ont traversé les années, les générations et occupent toujours la mémoire collective ? Comment restituer ses chansons qui sont autant de petites madeleines dans nos mémoires ? Comment ranimer la magie de ses récitals où la gestuelle tient du grand art du mime ?

« En essayant d'être à la fois soi-même et Aznavour, répond le comédien franco-algérien de 43 ans. Si c'est pour mettre un masque, pourquoi venir me chercher, moi ? Il faut qu'on puisse suffisamment le reconnaître et me reconnaître aussi. »

« Trouver la bonne distance »

Évidemment, le défi est périlleux mais relevé par celui qui, dit-il, « a le goût du risque, du terrain inconnu ». Et aussi une volonté de fer quand il s'agit de perdre 17 kg pour tourner, au côté de Golshifteh Farahani, dans Alpha, le prochain film de Julia Ducourneau (Palme d'or 2021 pour Titane).

Doublement césarisé pour Un prophète (2010), de Jacques Audiard, et aussi à l'aise en faux séducteur dans le Don Juan (2022) de Serge Bozon qu'en général d'Empire dans le Napoléon (2023) de Ridley Scott, il mesure parfaitement le long processus pour devenir à l'écran ce vrai faux Charles Aznavour.

Comme son personnage, Tahar Rahim se voit déjà en haut de l'affiche et se trouve des points communs avec son modèle original, enfant d'immigrés qui n'a pas le goût des frontières et rêve d'un métier auquel il n'est pas prédestiné. Le voici qui se jette à fond dans l'aventure en évitant l'écueil de l'imitation, de la copie conforme.

Peu grimé, il est doté de huit à neuf miniprothèses invisibles qui l'obligent à quatre heures de maquillage quotidien. « J'ai dit à l'équipe : “Faites-en le moins possible pour ne pas me gêner.” C'est ce qu'ils ont fait avec brio. » Il sent d'instinct qu'il n'a pas besoin de trop lui ressembler pour incarner Charles Aznavourian, né à Paris de parents réfugiés arméniens et formé à l'École des enfants du spectacle. « Pour toucher le spectateur au cœur, faire passer l'émotion, la sincérité, il faut, insiste-t-il, trouver la bonne distance. »

Rhinoplastie

Dans Monsieur Aznavour, titre qui marque d'emblée le respect et l'admiration, Mehdi et Grand Corps Malade (le duo à succès de Patients et de La Vie scolaire) évoquent en chansons le long parcours d'un artiste exceptionnel dont l'ambition, le talent se combinent avec une puissance de travail exceptionnelle.

Petit, pauvre, maladroit, le jeune Aznavour n'a apparemment rien pour réussir sinon une volonté hors norme, une passion pour l'écriture et la chanson. Édith Piaf le traite de « génie con », le prend sous son aile, lui conseille de faire une rhinoplastie et l'envoie à New York. À l'époque, il chante « Mes 20 ans » et lutte de toutes ses forces contre les critiques qui moquent « sa voix épouvantable ».

Une voix que Tahar Rahim va justement travailler pendant des mois pour interpréter toutes les chansons du film, d'« Il faut savoir » à « La Mamma » en passant par « For Me formidable », « Comme ils disent », « Emmenez-moi »…

« C'est tout l'aspect technique – chant, piano, chorégraphie, gestuelle – auquel je me suis consacré pendant six mois, souligne-t-il. Il fallait vraiment y aller et y aller à fond. De six à huit heures de chant par semaine, plus cinq heures de piano et j'ai continué pendant le tournage, le soir en groupe. »

« Parler comme lui trois mois avant le tournage »

Autre défi : adopter le timbre voilé du chanteur de « La Bohème », sur scène, en privé et dans ses films qui sont nombreux depuis ses débuts dans La Tête contre les murs (1959), de Georges Franju, et son premier rôle principal dans Tirez sur le pianiste (1960), de François Truffaut, dont une séquence est reconstituée dans Monsieur Aznavour.

« À cette voix si particulière, poursuit Tahar Rahim, il faut ajouter le phrasé dont j'avais très peur. Étrangement, c'est ce qui est venu le plus rapidement. Du coup, j'ai décidé de parler comme lui trois mois avant le tournage et jusqu'à la fin, pour que ça devienne, on va dire, une “exocorde vocale”, et ne plus y penser. » Après avoir visionné des heures d'images, consulté des archives privées et rencontré longuement la famille Aznavour, sa sœur Aïda, sa femme Ulla, ses filles, Katia, Seda, et son fils Mischa, l'acteur a peu à peu composé son personnage.

« J'ai demandé à Mehdi et à Fabien s'ils étaient d'accord pour qu'on puisse voir ensemble la version numéro un, ce que j'ai l'habitude de faire avec les Anglo-Saxons. On a travaillé phrase par phrase sur les dialogues jusqu'à la version finale. Enfin, je leur ai demandé la permission de soumettre des extraits du scénario à une amie psychologue, afin de noter ses réflexions, ce que j'ai fait dans mes précédents films. Le résultat est très intéressant comme si le personnage est le patient. Fabien et Mehdi ont fait pareil de leur côté avec le scénario entier. Je crois que cela nous a aidés à construire le récit et à définir l'ADN, la psychologie d'Aznavour. »

De son rôle dans Monsieur Aznavour, qu'il considère comme « le plus beau tournage de [sa] vie », Tahar Rahim retient « l'image d'un homme et d'un artiste qui ne font qu'un. Toute la frustration de l'homme a basculé vers l'artiste et en a fait l'un des plus grands chanteurs et auteurs de chansons de son temps. Il y a chez lui une abnégation au travail qui est comme une bouée de survie, quitte à sacrifier sa vie de famille, à être un père absent ».

Monsieur Aznavour ✭✭✭✭Depuis ses débuts, en 1941, avec le pianiste Pierre Roche (Bastien Bouillon, excellent), et sa rencontre, cinq ans plus tard, avec Édith Piaf (formidable Marie-Julie Baup), on suit le parcours du jeune et talentueux Charles Aznavourian qui, à force de travail et de ténacité, deviendra un grand nom de la chanson. Les réalisateurs Grand Corps Malade et Mehdi Idir ont opté pour un récit linéaire, rythmé par ses plus beaux titres. Dans le rôle-titre, Tahar Rahim campe un Aznavour vibrant. Une belle performance. En salle le 23 octobre.

Shots similaires
Nouvelles archives
  • Bergheim
    Bergheim
    « Le village préféré des Français » : Sacré, Bergheim a reçu « le soutien de tous les amoureux de l’Alsace »
    29 Jui 2022
    3
  • France confinement
    France confinement
    Santé | DIRECT. Coronavirus : le plan blanc activé en Bretagne
    28 Oct 2020
    2
  • Real Bayern
    Real Bayern
    Bayern Munich-Real Madrid : les compositions probables
    30 Avr 2024
    4
  • Yoann Court
    Yoann Court
    "Il nous a expliqué être menacé": comment Yoann Court, ancien ...
    6 Mar 2024
    2
  • Emile deces
    Emile deces
    Mort d'Émile: l'acte de décès du petit garçon officiellement signé par ...
    29 Jui 2024
    4
Les shots les plus populaires de cette semaine