Le conflit dans la région du Haut-Karabakh a fait 39 morts
Publié le 27 sept. 2020 à 17:46Mis à jour le 28 sept. 2020 à 8:32
Un allié indéfectible de la Russie à deux doigts d'une guerre ouverte avec un pays soutenu inconditionnellement par la Turquie. Voilà l'enjeu du conflit déclenché dimanche matin dans le Haut-Karabakh, région azérie séparatiste quasi exclusivement peuplée d'Arméniens. Ce serait le troisième théâtre, après la Libye et la Syrie, où la Turquie, membre de l'OTAN, et la Russie s'affrontent par alliés interposés.
Mobilisation généraleLe déclenchement des hostilités, dont Bakou et Erevan se rejettent la responsabilité, a coûté la vie à 39 personnes, dont 32 militaires arméniens, selon un dernier bilan officiel publié lundi matin. L'Azerbaïdjan n'a pas annoncé ses pertes militaires.
Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, issu d'une révolution pacifique en avril 2018, a décrété la mobilisation générale et l'instauration de la loi martiale, tout comme les autorités du Karabakh. Il a estimé que l'Azerbaïdjan avait « déclaré la guerre au peuple arménien » et que Bakou (10 millions d'habitants) et Erevan (3 millions d'habitants) étaient au bord d'une « guerre d'envergure », qui pourrait avoir « des conséquences imprévisibles » et s'étendre au-delà du Caucase.
De son côté, le gouvernement azéri s'est dit « sûr de la victoire », après des « provocations arméniennes » et a affirmé avoir conquis plusieurs villages du Haut-Karabakh. Le président autoritaire de l'Azerbaïdjan (nulle opposition n'y est tolérée), Ilham Aliev, a convoqué une réunion de son conseil de sécurité. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui aurait redéployé en Azerbaïdjan des mercenaires prélevés sur le front syrien, a affirmé qu'il soutiendrait son allié musulman et turcophone avec « tous les moyens nécessaires » contre « l'agression » de l'Arménie. Cette dernière, où le catholicisme domine depuis dix-sept siècles et qui appartint un temps à l'empire ottoman avant de devenir une composante de l'URSS, est soutenue depuis toujours par Moscou, qui y dispose d'une base militaire. Le Kremlin vent toutefois aussi des armes à l'Azerbaïdjan, qui fut aussi membre de l'URSS.
Des hélicoptères abattusLe ministère de la Défense du Karabakh a affirmé avoir détruit 4 hélicoptères, une quinzaine de drones et 10 chars azerbaïdjanais. L'Azerbaïdjan affirme avoir détruit 12 batteries antiaériennes. Moscou a appelé « à un cessez-le-feu immédiat » et à des pourparlers, tandis que l'ONU et Washington ont demandé aux belligérants de « cesser immédiatement les combats ».
La France (où vit une importante communauté d'origine arménienne), médiatrice du conflit avec la Russie et les Etats-Unis dans le cadre du Groupe de Minsk, a appelé « fermement à la cessation des hostilités». Emmanuel Macron s'est entretenu avec le premier ministre d'Arménie, puis avec le président d'Azerbaïdjan. L'Iran, qui abrite une forte minorité azérie, s'est dit prêt à aider les deux parties à entamer des pourparlers.
Le Nagorny Karabakh a fait sécession de facto de l'Azerbaïdjan avec le soutien militaire arménien à l'issue d'une guerre qui a fait 25.000 morts entre 1988 et 1995. Bakou, qui s'est réarmé grâce à ses abondantes réserves pétrolières de la mer Caspienne, veut reprendre le contrôle du Haut-Karabakh depuis lors, mais des pourparlers de paix sont dans l'impasse depuis de longues années. Des combats opposent régulièrement séparatistes et Azerbaïdjanais, mais aussi Erevan et Bakou. En 2016, de graves heurts avaient failli dégénérer en guerre au Karabakh, et des combats meurtriers ont aussi opposé en juillet 2020 Arméniens et Azerbaïdjanais à leur frontière nord. L'Azerbaïdjan dispose aussi d'une enclave, le Nakhitchevan, sur le flanc sud de l'Arménie, sans continuité avec son propre territoire.