Après ses bombardements, l'Azerbaïdjan affirme avoir «rempli tous ses objectifs» à la frontière avec l'Arménie
L'Azerbaïdjan a bombardé les positions arméniennes dans la nuit de lundi à mardi, et causé la mort d'au moins 49 militaires arméniens. La Russie assure avoir négocié un cessez-le-feu.
Une nuit d'angoisse et de peur. C'est ce qu'ont vécu les trois millions d'habitants de la république d'Arménie dont plusieurs villes et villages frontaliers ont subi cette nuit des bombardements intensifs de la part de l'armée azerbaïdjanaise. La Russie a finalement annoncé ce mardi avoir négocié un cessez-le-feu et Bakou affirme avoir «rempli tous ses objectifs».
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À 0h05 (22h05, heure française), les habitants de Jermuk, Vardenis et Goris ont entendu plusieurs explosions : des tirs d'artillerie depuis la zone frontalière. «Nous avons entendu aussi comme des gros bourdonnements au-dessus de nos têtes», nous déclare un habitant de la ville de Goris (25.000 habitants dont des centaines de réfugiés de la république autoproclamée d'Artsakh, conquise aux trois quarts par les Azéris en 2020). Dans la région du Gegharkunik, au nord-est de l'Arménie, des drones ont aussi été repérés à proximité du lac Sevan : les fameux Bayraktar turcs TB-2, utilisés avec succès par l'armée ukrainienne contre les envahisseurs russes. Dans le sud du pays, à Kapan, des tirs ont été entendus à partir d'une heure du matin. Mais aussi à Martouni, près du lac Noir, à Artanish et à Sotk. Selon le ministère de la Défense arménien, les attaques ont fait au moins 49 morts.
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Signes avant-coureursDeux heures après le début de cette attaque, le gouvernement arménien s'est réuni dans la capitale, à Erevan, sous l'autorité du premier ministre Nikol Pachinyan qui s'est entretenu au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine, le président français Emmanuel Macron et le secrétaire d'État américain Anthony Blinken qui ont tous regretté l'agression de Bakou, la jugeant pour certains «inacceptable». Au cours de ces entretiens, Pachinyan a dit espérer «une réponse appropriée de la communauté internationale» face à «l'agression» de l'Azerbaïdjan.
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Le conseil de sécurité arménien en a appelé également à l'ONU et à l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), structure régionale pilotée par la Russie, qui garantit la souveraineté territoriale de ses membres, tous d'anciennes républiques soviétiques (Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan et Tadjikistan). En vain : malgré une tentative d'intercession de la Russie, dont la 102e base militaire, installée à Gyumri, au nord de l'Arménie, a été mise en alerte, les combats ont continué toute la nuit le long de la frontière et se poursuivaient à l'aube ce matin.
Plusieurs observateurs avaient alerté sur l'imminence d'une attaque militaire d'envergure de Bakou en ayant constaté des signes avant-coureurs depuis une semaine. Des avions-cargos turcs transportant des armes ont atterri en Azerbaïdjan il y a 48 heures. Des tirs sporadiques ont été entendus aux alentours de certains villages arméniens depuis le début du mois de septembre. Le ministre de la Défense azerbaïdjanais, Zakir Hasanov, a publié le 10 septembre un communiqué menaçant, accusant son voisin de provocations armées contre lesquelles il appelait ses troupes à se tenir prêtes à riposter. La même rhétorique avait été utilisée pour justifier l'agression contre le Haut-Karabakh arménien il y a deux ans, déclenchant «la Guerre des 44 jours» qui a coûté la vie à plus de 3000 jeunes Arméniens.
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Malgré les discussions autour d'un traité de paix entamée sous l'égide de l'Union européenne et les apparents efforts de Bakou vers une stabilisation de la situation (cinq prisonniers de guerre arméniens emprisonnés depuis près de deux ans ont été libérés il y a quelques jours), le président autocratique Ilham Aliev, au pouvoir depuis bientôt vingt ans, a manifesté récemment son impatience à instaurer un corridor entre le Nakhitchevan, exclave azérie à l'ouest de l'Arménie, et le reste de son territoire. Cet été, il a forcé les autorités d'Artsakh à abandonner le corridor de Latchin reliant leur capitale Stepanakert à l'Arménie, à la suite d'une opération militaire soudaine. Était-il animé de la même intention quand il a déclenché les bombardements cette nuit ? Cette attaque n'a-t-elle pour but que de faire pression sur le premier ministre arménien afin qu'il accélère l'accord espéré ou s'agit-il, comme certains le craignent, d'un plan d'attaque plus large visant à conquérir «l'Ermenistan» et le Zanguezour occidental (le nom azéri donné au Syunik arménien) ? L'affaiblissement de l'armée russe en Ukraine a-t-il été vu comme une opportunité pour le maître de Bakou, grisé après sa victoire en novembre 2020 ? Autant de questions qui s'ajoutent à celle, principale, que se posent les Arméniens ce 13 septembre : les bombardements, qui ont touché des cibles civiles, vont-ils cesser ?
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