Pérou : l'ancien président Alberto Fujimori est mort après 16 ans de ...
Disparition
Un dictateur est mort, et certains le pleurent quand même. L’ex-dirigeant est décédé dans la nuit du 11 au 12 septembre. Né au Japon, il avait été libéré en décembre sur ordre de la Cour constitutionnelle «pour raisons humanitaires», malgré l’opposition de la justice interaméricaine, après avoir passé 16 ans dans une prison dans l’est de Lima. Il y purgeait une peine de 25 ans pour crimes contre l’humanité, notamment pour deux massacres de civils commis par un escadron de l’armée dans le cadre de la lutte contre la guérilla maoïste du Sentier lumineux au début des années 1990. «Il devait payer pour ce qu’il a fait, mais maintenant qu’il est mort, que pouvons-nous faire… Il n’a pas purgé sa peine», estime Juana Carrion, présidente de l’Association des proches des personnes enlevées, détenues et disparues du Pérou.
L’ancien président surnommé «El Chino» (le Chinois), qui a profondément divisé le pays, a été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années. Une tumeur maligne lui avait été diagnostiquée en mai à la langue, sur laquelle il avait une lésion cancéreuse depuis plus de 27 ans. En 2018, Alberto Fujimori avait rendu public un diagnostic de tumeur aux poumons. Son état de santé s’était rapidement détérioré au cours des derniers jours, alors qu’il avait terminé en août sa radiothérapie au niveau de la bouche, selon des sources proches de la famille.
Un prêtre catholique était arrivé mercredi après-midi à son domicile dans le quartier de San Borja, à Lima, où il vivait avec sa fille aînée, Keiko Fujimori. Elle a plus tard annoncé qu’une veillée funèbre se tiendrait à partir de jeudi au Musée national à Lima, précisant que l’enterrement de son père aura lieu samedi. «Nous recevrons tous ceux qui veulent lui dire au revoir en personne», a-t-elle déclaré sur X.
La Présidence de la République a confirmé «la triste nouvelle», présentant ses «sincères condoléances à la famille». «Que Dieu ait son âme et qu’il repose en paix», conclut le communiqué présidentiel. Par un décret signé ce jeudi, l’actuelle cheffe de l’Etat, Dina Boluarte, a décrété un deuil national de trois jours. Fujimori recevra les «honneurs funéraires qui correspondent à un président en exercice», est-il écrit dans le texte. Après l’annonce de sa mort, des partisans d’Alberto Fujimori ont défilé devant sa résidence pour lui rendre hommage. Comme Nancy Gonzalez, pour qui l’ex-président a «mis fin au terrorisme» et a «stabilisé l’économie».
«Autoritaire et populiste»
Adepte du néolibéralisme, Alberto Fujimori a été un «précurseur en Amérique latine d’un style de politique», a déclaré l’analyste politique Augusto Alvarez. Selon lui, l’ancien président, qui a fait irruption sur la scène publique avec sa victoire électorale inattendue sur l’écrivain Mario Vargas Llosa, futur prix Nobel de littérature, a promu un modèle «autoritaire et populiste» qui a été reproduit dans de nombreux autres pays, tant par des mouvements de gauche ou de droite.
Alberto Fujimori laisse dans le pays une image contrastée. Pour certains, il est l’homme qui a dopé l’essor économique du pays par ses politiques ultra-libérales, et combattu avec succès les guérillas du Sentier lumineux (maoïste) et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste). D’autres se souviennent surtout des scandales de corruption et de ses méthodes autoritaires qui lui ont valu sa condamnation.
Sa fille Keiko Fujimori a repris son flambeau politique mais a échoué à trois reprises au second tour de la présidentielle. Le 14 juillet, la dirigeante du principal parti de droite du pays avait annoncé que son père se présenterait à l’élection présidentielle de 2026, ne sachant si elle pourrait y participer car, poursuivie pour blanchiment, le parquet a requis 30 ans de prison à son encontre. Le Pérou a approuvé début août une loi déclarant prescrits les crimes contre l’humanité commis avant 2002 qui aurait pu bénéficier à Alberto Fujimori.
Approuvée malgré une résolution de la Cour interaméricaine des droits de l’homme mi-juin réclamant la suspension du processus législatif, elle bénéficiera à des centaines d’autres officiers accusés d’exactions pendant le conflit interne des années 1980 et 1990 qui a fait quelque 69 000 morts et 21 000 disparus.
Mise à jour à 9h20 : ajout d’un deuil national de trois jours décrété au Pérou.