La colère des agriculteurs s'intensifie dans l'Union européenne
Pays-Bas, Roumanie, Pologne, Allemagne, France… Les mouvements agricoles de contestation se multiplient et s’étendent en Europe. La presse s’interroge sur les conséquences électorales de cette colère, à un peu plus de quatre mois des européennes.
“Les campagnes européennes sont en ébullition. Des Pays-Bas à la Roumanie en passant par la Pologne, l’Allemagne ou le sud du continent, les agriculteurs manifestent leur mécontentement”, observe Le Monde. Un mécontentement également présent en France, où “des éleveurs laitiers se sont rassemblés jeudi [18 janvier] devant plusieurs sites Lactalis dans l’ouest, dénonçant le prix du lait fixé par le groupe, jugé trop bas. Vendredi [19 janvier], la circulation a été bloquée par des agriculteurs en colère sur l’A64 entre Toulouse et Bayonne. Avant cela, des centaines de tracteurs et de camions agricoles de plusieurs départements d’Occitanie [avaient] convergé mardi [16 janvier] à Toulouse pour alerter sur la crise que connaissent les agriculteurs de la région”, relate TF1.
Des événements qui font écho à ceux qui se sont déroulés en Allemagne, la semaine dernière. “Des milliers d’agriculteurs ont ainsi bloqué Berlin, lundi [15 janvier], pour protester contre la fin progressive d’un avantage fiscal sur le gazole agricole, après des semaines de manifestations un peu partout dans le pays. Les images des avenues de la capitale allemande envahie par des tracteurs ont fait le tour du monde”, indique France info. “Mardi [16 janvier], les fermiers roumains ont repris leur propre mobilisation contre le coût des carburants, le prix des assurances et les normes environnementales [et] début janvier, ce sont des fermiers polonais qui bloquaient les importations de grains à un poste-frontière avec l’Ukraine”, poursuit la chaîne d’information en continu.
“Le cadre de travail des agriculteurs est d’abord européen”
Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne (Copa-Cogeca), voit dans ces colères du monde agricole une “exaspération commune”. “De l’Allemagne à la Roumanie en passant par la France et l’Espagne, ils ont le sentiment de ‘se faire imposer’ des mesures trop drastiques”, affirme-t-elle dans L’Express. “Tous dénoncent le Pacte vert européen, connu sous le nom de Green Deal. Ce plan, qui prône la transition écologique des Etats membres de l’UE, fixe des objectifs de réduction d’usage des pesticides, de développement de l’agriculture biologique et de protection de la biodiversité”, poursuit l’hebdomadaire français.
Outre le Green Deal, “le cadre de travail des agriculteurs est d’abord européen”, indique Nicole Ouvrard, ingénieure agronome et directrice déléguée de l’agence Agra, interrogée par Le Parisien. “Il est défini par la fameuse politique agricole commune (PAC), prévue dès le traité de Rome de 1957, [qui] a pour objectif de réguler les prix et de garantir la quantité et la qualité des matières premières européennes. Pour cela, elle conditionne certaines aides aux agriculteurs à la mise en place de certaines pratiques”, rappelle le quotidien français.
Un cadre européen qui expliquerait la convergence des colères agricoles à Bruxelles. “Tous les fermiers européens n’ont pas les mêmes problèmes, mais ils ont en commun de dépendre largement de l’Union européenne pour des subventions, ce qui, en retour, veut dire qu’ils doivent se conformer aux normes et conditions de l’UE”, observe auprès de France info Kai Arzheimer, professeur de sciences politiques à l’université de Mayence (Allemagne).
L’extrême droite aux aguets
A bientôt quatre mois des élections européennes qui se dérouleront du 6 au 9 juin dans l’UE, nombre de médias s’interrogent quant au coût et aux conséquences politiques que pourrait avoir cette fronde du monde agricole. “La révolte des fermiers fait le miel de la droite et de l’extrême droite européennes, qui critiquent la Commission de Bruxelles, le centre, la gauche et les écolos, pour avoir fait passer trop de nouvelles normes environnementales dans le pacte vert européen”, analyse L’Opinion.
En France, “à l’instar de ses alliés néerlandais – le Parti pour la liberté (PVV) – et allemand – Alternative pour l’Allemagne (AfD) –, le [Rassemblement national] de Marine Le Pen se rêve en porte-voix d’une colère paysanne qui se propage depuis plusieurs mois sur le continent”, souligne Le Monde. Outre-Rhin, “le parti d’extrême droite AFD, au plus haut dans les sondages, tente de capitaliser sur les manifestations […] en les transformant en mouvement global contre le gouvernement de centre gauche”, fait remarquer France info. “L’expression la plus spectaculaire de cette tendance est certainement la percée du Mouvement agriculteur citoyen (BBB) lors des élections locales néerlandaises de mars 2023. Ce parti agrarien populiste avait alors récolté presque 32% des suffrages, du jamais vu”, poursuit le site français.
Ce lundi matin au micro de France Inter, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), premier syndicat agricole français, a annoncé que de nouvelles actions seraient menées dans l’Hexagone “toute la semaine et aussi longtemps qu’il sera nécessaire”. Les représentants de la FNSEA seront reçus ce “lundi soir à Matignon” par le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal [Ouest-France]. En attendant, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé, dimanche 21 janvier, le report de “quelques semaines” d’un projet de loi sur l’installation de nouveaux agriculteurs qui devait initialement être présenté ce mercredi [Le Figaro]. Le texte devrait être complété par un volet “simplification” selon les termes du ministre, cité par France info.