Crise du Coronavirus : Agnès Buzyn confirme avoir alerté l’Elysée et Matignon en janvier
À peine tournée la page de sa cuisante défaite aux élections municipales à Paris, l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn s’est retrouvée sur la sellette mardi, pendant plus de quatre heures face aux députés désireux de "tirer les leçons" de la crise du coronavirus.
"Réactifs"L’"anticipation" en France face à l’épidémie de coronavirus a été "sans commune mesure avec les autres pays européens" et "toujours en avance" par rapport aux alertes des organisations internationales, a-t-elle affirmé. "Vous ne pouvez pas dire qu’on n’a pas été réactifs", a-t-elle insisté devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, détaillant les décisions prises dès début janvier, alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ne proclame l’urgence internationale que le 30 janvier.
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La rédaction vous conseilleAgnès Buzyn assure avoir eu "l’intuition" dès le 22 janvier de la potentielle gravité de l’épidémie, lorsque l’information selon laquelle le nouveau coronavirus pouvait se transmettre d’un être humain à un autre a été connue. Elle ajoute avoir immédiatement demandé un état de lieux de tous les stocks d’équipements de protection, et notamment de masques, ainsi que du nombre de lits de réanimation et de respirateurs, et avoir lancé une première commande d’un million de masques FFP2, plus protecteurs, absents de stocks stratégiques d’État.
Jamais "sous-estimé le risque"La ministre détaille avoir également demandé à Santé publique France "trois scénarios d’évolution de l’épidémie", demandé aux structures de recherche "un protocole de recherche" avec les médicaments déjà disponibles.
Deux jours avant son départ du ministère pour s’engager dans la campagne des municipales à Paris, le 16 février, le Centre européen de prévention et contrôle des maladies évaluait encore le risque pour la capacité des systèmes de santé européen comme "faible à modéré", a-t-elle souligné.
"Je n’ai à aucun moment sous-estimé le risque et j’ai préparé notre système de santé" avant de quitter le ministère, a-t-elle encore affirmé, ajoutant "assume® totalement les décisions prises par (ses) services et (son) ministère entre mai 2017 et février 2020".
Après avoir auditionné des experts, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée d’évaluer la gestion française de la crise sanitaire entend cette semaine des anciens ministres de la Santé. Après Mme Buzyn, elle doit recevoir Marisol Touraine et Roselyne Bachelot mercredi puis Xavier Bertrand jeudi.
L’Élysée et Matignon alertés en janvierAgnès Buzyn a confirmé avoir alerté l’Élysée et Matignon dès janvier sur le "danger" potentiel du coronavirus, comme elle l’avait évoqué dans des propos polémiques au Monde à la mi-mars. "Autour du 11 janvier", l’annonce par la Chine d’un premier décès lié à la nouvelle maladie découverte dans la région de Wuhan constitue "un nouveau niveau d’alerte" et "je décide d’informer le président de la République et le Premier ministre qu’il existe un phénomène en Chine", a-t-elle déclaré.
À l’époque, il n’y avait qu’une cinquantaine de cas déclarés et on n’avait pas encore la confirmation que la maladie pouvait se transmettre d’une personne à l’autre, a souligné l’ex-ministre. Dans un article publié par Le Monde le 17 mars, Agnès Buzyn estimait avoir "vu la première ce qui se passait en Chine : le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J’ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Édouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir". Sur ce dernier point, c’était une "phrase que j’ai lancée" et "pas une alerte formelle", a-t-elle précisé.
Le ministre ne gère pas les stocks de masquesInterrogée par les députés, l’ex-ministre a notamment assuré ne pas avoir eu connaissance du courrier adressé par Santé publique France à la Direction générale de la Santé en septembre 2018, qui informait notamment de la péremption d’une part importante du stock stratégique d’État de masques et recommandait de racheter ces équipements pour porter le stock à 1 milliard de masques.
Elle ajoute que ce n’est pas non plus elle qui a pris la décision de détruire les masques jugés non conformes alors que le stock n’avait pas encore été reconstitué. "Je lui fais totalement confiance et j’assume totalement les décisions qu’il prend", a lancé Mme Buzyn à propos du directeur général de la Santé Jérôme Salomon, qu’elle avait nommé en 2018.
L’ancienne ministre a en revanche critiqué en creux le rôle de l’agence Santé publique France, responsable de la gestion des équipements de protection. "Nous avons tous envie de requestionner" le rôle des agences sanitaires, a-t-elle déclaré, estimant que "des interrogations" existaient sur le "contrôle des stocks" ces dernières années. "Apprendre en 2018 qu’une grande partie des stocks est périmée… Ça nécessite de requestionner comment ça a fonctionné", a-t-elle avancé.
"Cette gestion de stocks de masque de protection, elle ne revient pas à un niveau ministre. (…) La vigilance que je dois avoir, c’est sur des dizaines de produits", a-t-elle ajouté devant la commission sur la gestion de la crise du coronavirus.
Elle a souligné que si l’attention s’était "a posteriori" portée sur la question des masques, en raison de l’émergence du nouveau coronavirus, les comprimés d’iode en cas d’accident nucléaire ou les tenues de protection face au virus ebola n’étaient pas "moins importants".