Algérie : Abdelmadjid Tebboune en route pour un second mandat

Il n'y avait guère de suspense, mais celui-ci a officiellement pris fin ce jeudi soir. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé qu'il briguait un second mandat lors des élections présidentielles du 7 septembre. Le dirigeant avait indiqué en mars que la date du scrutin, initialement prévu en décembre était avancée de trois mois sans dévoiler ses motivations. Certains ont fait l'hypothèse d'un lien avec la visite en France programmée fin septembre ou début octobre qui lancerait ce second mandat, ou avec la volonté de couper l'herbe sous le pied de potentiels opposants. Il semble surtout que le régime souhaite que la campagne électorale passe le plus inaperçue possible : assommés par la chaleur estivale, pour certains en vacances, les Algériens n'auront pas la tête à se mobiliser pour l'élection. Le régime tremblerait-il à l'idée d'un nouveau départ de contestation ?

Abdelmadjid Tebboune est en effet arrivé au pouvoir fin 2019 en plein Hirak, ce soulèvement populaire inédit en Algérie qui a entraîné la chute d'Abdelaziz Bouteflika après vingt ans de règne. Premier ministre puis ministre, il répondait bien peu au profil espéré par les manifestants qui appelaient à un remplacement complet de la classe politique. Cinq ans plus tard, le dirigeant de 78 ans peut se targuer d'avoir apaisé le pays, aidé par un concours de circonstances favorables.

La guerre en Ukraine, « cadeau du ciel »

La pandémie de Covid-19 tout d'abord : certes, le virus, lorsqu'il l'a contracté, a gardé le président loin du pouvoir pendant plusieurs mois, pour être hospitalisé en Allemagne. Mais le contexte sanitaire a joué en sa faveur en entraînant la suspension des manifestations organisées chaque vendredi. Le régime a pu par la suite reprendre la main et mater peu à peu les meneurs du soulèvement.

La guerre en Ukraine, ensuite, et la hausse du prix des hydrocarbures qui a suivi, a été un « cadeau du ciel » pour l'Algérie, estime Hamza Meddeb, chercheur au Carnegie Middle East Center spécialisé sur l'Afrique du Nord. Le pays, troisième fournisseur de gaz de l'Union européenne , « a pu bénéficier d'une manne pétrolière et gazière qu'il n'avait pas connue depuis des années, de 60 milliards de dollars en 2022 [près du double de l'année précédente, NDLR] et a pu ainsi financer une explosion de la dépense publique », poursuit-il.

Hausse des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite, nouveau régime d'allocation chômage, hausse des subventions alimentaires, financement de programmes massifs de construction de logement à bas prix et d'infrastructures, doublement du budget militaire… Le mandat d'Abdelmadjid Tebboune a en effet été marqué par une hausse des dépenses publiques, qui atteignaient 38 % du PIB l'an dernier. Le régime s'est appuyé sur les recettes des hydrocarbures, qui se sont maintenues malgré la baisse des prix depuis fin 2022.

Une stabilité qui coûte cher

« La dépense publique a permis l'apaisement de la situation socio-économique, qui est la seule réalisation du mandat de Tebboune. Mais c'est une stabilité qui coûte cher », note Hamza Meddeb. Le déficit budgétaire de l'Algérie s'est en effet creusé : il passerait de 5,2 % du PIB en 2023 à 9 % cette année, selon la Banque mondiale, tandis que la dette publique atteindrait dans le même temps 51,2 %.

Quid de la diversification de l'économie et de l'ouverture aux investisseurs étranger s, des objectifs affichés depuis des années par Alger ? « La priorité est au court terme : fournir à tous les Algériens un logement, une voiture, et de quoi s'alimenter. On est loin d'un projet de société », note Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam). Quant à la transition démocratique, elle semble encore moins à l'ordre du jour : les voix critiques ont dû se taire et la presse indépendante menacée de disparition , selon Reporters Sans Frontières. Si Abdelmadjid Tebboune devrait affronter plusieurs opposants lors de l'élection présidentielle (la liste sera annoncée le 27 juillet), l'issue du scrutin laisse, là non plus, peu de suspense : c'est bien lui le candidat adoubé par le régime.